Herculano, 64 ans (en tee-shirt bleu) avec sa famille.

Herculano, 64 ans (en tee-shirt bleu) a fui les violences dans le district de Quissanga à Cabo Delgado, avec toute sa famille, y compris ses enfants et petits-enfants. © HCR/Martim Gray Pereira

Au Mozambique, quelque 670 000 personnes ont déjà été forcées de quitter leurs foyers dans la province de Cabo Delgado, dans le cadre d’une crise largement ignorée par le reste du monde.

Par Juliana Ghazi à Cabo Delgado 

Herculano et sa femme Isabella ont tout abandonné derrière eux lorsqu’ils ont fui leur village de Quissanga, un district de la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. Ils ont réussi de justesse à fuir avec leurs dix enfants et huit petits-enfants, alors que les maisons voisines étaient rasées.

« Tout ce que j’avais, je l’ai perdu. »

« Nous avons fui à cause des violences », a déclaré Herculano. « Tout ce que j’avais, je l’ai perdu. Les maisons du village ont été brûlées et les habitants ont été torturés. Nous avons vu les insurgés courir après des enfants pour les recruter de force. Nous avons craint pour la vie de nos enfants. »

Herculano et sa famille font partie des 670 000 personnes qui ont été déplacées par l’escalade des violences des insurgés dans certaines régions au nord du Mozambique. Plus de 2000 personnes ont été massacrées depuis le début des attaques en 2017. Par ailleurs des atteintes aux droits humains et le non-respect du droit international humanitaire ont été signalés à maintes reprises.

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Herculano, 64 ans, et Isabella, 50 ans, ont décrit le moment où ils ont fui en février 2020 comme une « scène d’horreur ». La famille a couru pendant des heures, craignant que les insurgés ne les rattrapent. Lorsqu’ils se sont arrêtés, ils se sont cachés dans d’épais buissons, où ils sont restés pendant près d’une semaine avec un peu d’eau, sans nourriture et sans abri. Finalement, ils ont marché jusqu’à l’une des routes principales et ont supplié un chauffeur de camion de les transporter à Pemba, la capitale de Cabo Delgado.

« A notre arrivée à Pemba, nos pieds étaient gonflés et nous avons vu de nombreux enfants non accompagnés sur le bord des routes », raconte Isabella, qui s’estime heureuse d’avoir pu s’en sortir avec toute sa famille.

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La Haut Commissaire assistante du HCR chargée de la protection internationale, Gillian Triggs (à droite), s’entretient avec des femmes déplacées sur le site de déplacés de Nanjua B, dans le district d’Ancuabe, à Cabo Delgado. © HCR/Martim Gray Pereira
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Herculano, 64 ans, et sa femme, Isabella, 50 ans, ont fui avec leur famille le district de Quissanga à Cabo Delgado en 2020 en raison de la violence. © HCR
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À côté de leur abri à Nanjua B, Herculano cultive un jardin maraicher pour aider à nourrir sa famille. © HCR/Martim Gray Pereira
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Les hauts dirigeants du HCR (de gauche à droite) Gillian Triggs, Haut Commissaire assistante chargée de la protection internationale, Margarida Loureiro, Chef du bureau local de Pemba, et Raouf Mazou, Haut Commissaire assistant chargé des opérations, s’entretiennent avec les enseignants d’une école qui a reçu des bâches du HCR pour renforcer la toiture du site de relocailsation des personnes déplacées de Nanjua B, dans le district d’Ancuabe, Cabo Delgado, au nord du Mozambique. © HCR/Martim Gray Pereira

Beaucoup de ceux qui fuient sont accueillis par des membres des communautés locales chez qui ils vivent désormais en sécurité. Herculano et toute sa famille ont partagé une petite maison avec 40 autres personnes pendant 10 mois avant d’être transférés dans un camp de déplacés dans le district d’Ancuabe, à environ 110 kilomètres de Pemba.

Depuis octobre 2020, le gouvernement mozambicain relocalise les personnes déplacées dans des installations situées au sein de neuf districts de Cabo Delgado.

Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille avec les autorités pour surveiller et répondre aux besoins des déplacés et des communautés d’accueil. La crise humanitaire à Cabo Delgado est aggravée par les attaques répétées sur fond de luttes économiques exacerbées par la pandémie de Covid-19. La région ne s’est pas encore remise des chocs climatiques, notamment des cyclones et des inondations, ni des épidémies récurrentes de maladies d’origine hydrique.

Des femmes et des jeunes filles ont été enlevées, mariées de force, violées dans certains cas ou soumises à d’autres formes de violence sexuelle. La population déplacée reste très vulnérable à la violence sexiste, tant au moment où elle a été forcée de fuir que lorsqu’elle vit une situation de déplacement. Les femmes s’inquiètent du manque d’éclairage dans les camps et du fait qu’elles ne se sentent pas en sécurité le soir.

Le HCR dirige la réponse en matière de protection, en apportant son appui aux équipes chargées de la prévention de la violence sexiste, de la protection des enfants et de la sensibilisation de la population à la lutte contre l’exploitation sexuelle. Le HCR fournit également une assistance humanitaire d’urgence en distribuant du matériel pour les abris et des articles de première nécessité tels que des bâches, des matelas, des couvertures, des kits d’ustensiles de cuisine, des seaux, des jerrycans et des lampes à énergie solaire.

« C’est une véritable tragédie humanitaire. »

Les hauts commissaires assistants du HCR chargés de la protection internationale, Gillian Triggs, et des opérations, Raouf Mazou, se sont rendus dans la région cette semaine, et ont rencontré des personnes déplacées qui ont témoigné de leurs parcours difficiles et ont fait part de leurs préoccupations. Ils se sont rendus dans la capitale provinciale, Pemba, ainsi qu’à Nanjua B – un site de relocalisation à Ancuabe accueillant 951 familles, où Herculano et Isabella se sont installés.

« Il s’agit d’une véritable tragédie humanitaire. Une catastrophe qui entraîne toutes sortes de besoins en matière de protection », a déclaré Gilliam Triggs.

« Je me suis entretenu avec une grand-mère dont la fille a été tuée pendant le conflit et le père de l’enfant a été décapité. La grand-mère s’occupe désormais de cet enfant. Une autre femme que j’ai rencontrée s’occupe de l’enfant d’un étranger qui est maintenant orphelin. C’est courant ici, où les femmes s’occupent des enfants des autres, lorsque les parents sont décédés. »

« Ce qui est nécessaire, ce sont des ressources supplémentaires. Nous, en tant que HCR, travaillons avec le gouvernement, avec les autres organisations internationales pour apporter un soutien, pour fournir de l’aide. Mais des ressources sont nécessaires, beaucoup de ressources sont nécessaires », a déclaré Raouf Mazou.

Herculano se remémore fréquemment sa vie à Quissanga, où il travaillait comme agriculteur et charpentier. Il avait deux maisons et pouvait subvenir aux besoins de sa famille élargie.

A côté de leur abri à Nanjua B, Herculano cultive un petit jardin maraicher où il fait pousser du maïs et du sésame pour aider à nourrir sa famille.

« C’est difficile pour moi, car depuis que je suis ici, je n’ai pas réussi à gagner le moindre centime. Nous voulons la paix et vivre libres. »

Publié par le HCR, le 22 mars 2021.

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