À l’occasion de la Journée mondiale du réfugié, Dauda Sesay, un leader réfugié basé aux États-Unis, nous explique pourquoi l’inclusion et l’autonomisation sont essentielles pour aider les réfugiés à retrouver l’espoir loin de leur pays d’origine.
L’annonce selon laquelle il y a aujourd’hui 110 millions de personnes déracinées dans le monde constitue un triste record qui devrait nous inciter à agir. La Journée mondiale du réfugié, le 20 juin, est l’occasion de souligner la résilience et le courage des réfugiés et de reconnaître le rôle essentiel qu’ils peuvent jouer pour faire baisser ces chiffres records du déplacement forcé à l’échelle mondiale.
Je m’appelle Dauda Sesay, je suis un mari, un père de cinq enfants et un défenseur des droits des réfugiés. Ce titre de leader réfugié témoigne de moments de lutte, de triomphe, de service et d’un espoir inébranlable en des lendemains meilleurs. Je porte en moi deux mondes : la Sierra Leone, ma patrie, où se trouvent mes racines, et les États-Unis, le pays qui m’a accueilli, m’offrant un refuge et la perspective d’une vie meilleure.
Le récit de ma vie passée comporte des chapitres douloureux. Ma famille a été brisée. J’ai perdu mon père bien-aimé et ma sœur de sept ans dans des actes de violence. Je porte moi-même des cicatrices : une blessure par balle à la jambe gauche et un bras droit presque arraché. Notre famille, autrefois heureuse et pleine d’amour, a été détruite. J’ai passé plus de dix ans dans un camp de réfugiés en Gambie, où chaque jour était synonyme de lutte, d’incertitude et d’aspiration à la paix. Pourtant, malgré ces conditions difficiles et ces tragédies personnelles, la vie m’a offert des moments de profonde joie. J’ai rencontré ma femme et, ensemble, nous avons accueilli notre fille dans nos vies pleines d’espoir.
“Ma vie passée comporte des chapitres douloureux.”
Après de nombreuses années passées en Gambie, l’opportunité d’une nouvelle vie s’est présentée lorsque les États-Unis nous ont ouvert leurs portes. En 2009, nous nous sommes installés à Baton Rouge, en Louisiane, un endroit qui nous était au départ totalement étranger, mais qui est rapidement devenu notre chez-nous. C’est là que j’ai découvert la bonté humaine et le soutien de la communauté. Deux personnes généreuses, le Dr Pamela Ravere Jones et Mme Virgie Kamara, ont incarné cet accueil chaleureux en prenant ma famille sous leurs ailes. Nos nouveaux amis et les membres bienveillants de la communauté locale sont devenus notre famille élargie, témoignant de la solidarité qui existe au sein de l’humanité.
Mon parcours personnel ne s’est pas terminé avec cette réinstallation. Après 20 ans de séparation, j’ai repris contact avec ma mère qui vit à Freetown, la capitale de la Sierra Leone. Nos retrouvailles ont été un moment profondément émouvant et une preuve de la force des liens familiaux et de la foi.
Aujourd’hui, mes expériences personnelles et ma détermination nourrissent mon travail et mon engagement à donner aux réfugiés et aux immigrés les moyens de dépasser leur condition et de devenir des leaders au sein de leurs communautés. Je suis le directeur du réseau national d’African Communities TogetherLink is external, et je dirige un réseau de centaines de représentants et de structures de réfugiés et d’immigrés africains à travers les États-Unis, qui défendent leurs intérêts et ceux de leurs familles. En tant que vice-président du conseil d’administration du Refugee CongressLink is external et membre du United States Refugee Advisory BoardLink is external, je veille à ce que les personnes qui ont connu le déplacement forcé puissent participer à l’élaboration des politiques et des programmes qui m’ont permis de construire la vie que j’ai aujourd’hui aux États-Unis.
À la Louisiana Organization for Refugees and Immigrants (LORI)Link is external, que j’ai cofondée, nous avons aidé des milliers de réfugiés et de migrants à acquérir leur autonomie grâce à l’engagement citoyen, à la responsabilisation sur le plan financier, à l’assistance juridique et à l’intégration sociale. À titre d’exemple, je citerai le cas d’une femme enceinte originaire d’Afghanistan qui a été évacuée pendant la guerre et qui a dû laisser derrière elle son mari et ses deux enfants. Malgré d’immenses difficultés, grâce à sa détermination et à notre soutien, elle s’est inscrite à nos cours d’anglais et a acquis de nouvelles compétences, jetant ainsi les bases d’une intégration réussie. J’ai également eu le privilège de travailler avec d’autres leaders réfugiés et immigrés, comme Sharon NjieLink is external, une ancienne demandeuse d’asile que nous avons aidée, et qui travaille aujourd’hui au sein de LORI en tant que déléguée du Congrès des réfugiés pour la Louisiane. Je peux également citer Sara Louis-Ayo, originaire du Soudan du Sud, et Marcela Hernandez, originaire de Colombie, qui utilisent leurs expériences et leurs compétences pour venir en aide à d’autres personnes dans leur parcours d’intégration.
Face à des catastrophes telles que les ouragans Laura et Ida, notre organisation, en collaboration avec d’autres organisations de réfugiés et de migrants, a fourni à plus de 300 familles de la nourriture et des biens de première nécessité. Ces initiatives nous rappellent avec force que les réfugiés, malgré les épreuves qu’ils ont traversées, sont résilients et désireux de contribuer au bien-être des communautés qui les ont accueillis.
Notre événement annuel pour la Journée mondiale du réfugié rassemble des centaines de personnes de toute la Louisiane, originaires de 35 pays, dans une vibrante célébration de la diversité et de la solidarité. C’est pour nous l’occasion de partager nos expériences, d’apprendre les uns des autres et d’encourager l’empathie et l’esprit de communauté.
“Les réfugiés doivent être considérés comme des interlocuteurs à part entière.”
Au moment de nous tourner vers l’avenir, j’invite les décideurs politiques du monde entier à renforcer et à multiplier les programmes de réinstallation ainsi que les autres programmes d’aide proposés aux réfugiés. Un financement accru est également nécessaire pour appuyer les organisations qui assurent l’intégration et l’accompagnement des réfugiés dans la durée. Et surtout, les réfugiés doivent être considérés comme des interlocuteurs à part entière dans la recherche de solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés.
Je vous encourage, en tant que membres de vos communautés respectives, à ouvrir vos cœurs et vos esprits à vos voisins réfugiés et migrants. Participez à des rencontres, discutez avec nous, découvrez nos parcours et essayez de comprendre nos cultures. Nous sommes vos voisins, vos collègues, vos enseignants, les camarades de classe de vos enfants. N’oubliez pas que notre parcours n’est pas fait que d’épreuves. Chaque réfugié incarne une extraordinaire capacité de résilience, et témoigne de cette capacité de l’esprit humain à garder espoir face aux difficultés et à se reconstruire sur les ruines du passé.
Cependant, je vous implore d’aller plus loin encore. Ne vous contentez pas de comprendre nos souffrances, mais agissez en conséquence. Utilisez votre voix pour promouvoir la paix et l’amélioration des conditions de vie des réfugiés dans les camps et les villes du monde entier, où nombre d’entre eux connaissent toujours de dures conditions et un avenir incertain. Nous ne pouvons pas les oublier.
Nous pouvons, par notre action collective, faire évoluer les mentalités et les politiques. Votre empathie et votre solidarité peuvent faire une réelle différence dans ce monde. Face à la crise humanitaire sans précédent que nous traversons, construisons ensemble un monde inclusif et empathique où chaque parcours de vie, aussi tragique soit-il, peut connaître une fin porteuse d’espoir.
Publie par le HCR, le 20 Juin 2023.