Deux jeunes hommes portent des masques face à la caméra.

Maung Kyaw Maung (à gauche), un Rohingya, et Myint Swe, un Rakhine, sont membres d’un comité local de jeunesse dans l’État de Rakhine, au Myanmar. © HCR/Reuben Lim Wende

Par Reuben Lim Wende à Sittwe, Myanmar

Des groupes de jeunes issus des communautés rakhine et rohingya proposent des solutions à des problèmes communs dans l’État de Rakhine, une région du Myanmar marquée par les divisions ethniques.

Par une journée d’hiver au ciel bleu dans l’ouest de l’État de Rakhine au Myanmar, des centaines de personnes venues de deux villages voisins – l’un peuplé de l’ethnie rakhine et l’autre de l’ethnie minoritaire rohingya – affluent vers un grand terrain en plein air. L’atmosphère est joyeuse et festive alors que la foule se rassemble autour du terrain de sport improvisé.

Alors que débute une partie de football entre des équipes composées de joueurs rakhines et rohingyas, Myint Swe observe avec fierté. « Il nous a fallu plusieurs semaines de planification pour organiser cet événement », explique l’homme âgé de 32 ans, originaire de Pyar La Chaung, le village rakhine.

Maung Kyaw Maung, 20 ans, du village rohingya de Pyin Chay situé à 10 minutes à pied de celui des Rakhines, observe également depuis les coulisses. « Les jeunes des deux villages se sont réunis pour rendre cela possible », indique-t-il.

Le duo appartient au groupe de huit jeunes qui a organisé l’événement. Officiellement dénommé Comité de développement de la jeunesse, il est composé de quatre jeunes issus de chacun des deux villages. Élus par leurs communautés respectives, les jeunes ont pour mission de trouver des solutions aux problèmes communs et d’organiser des activités conjointes comme le match de football.

Les récits de collaborations au-delà des lignes ethniques sont relativement rares dans l’État de Rakhine, où les divisions ethniques et religieuses ont longtemps pesé sur les relations intercommunautaires. Si la région a été relativement épargnée par la violence observée dans d’autres parties du Myanmar après la prise du pouvoir par les militaires le 1er février 2021, les blessures historiques des conflits précédents ne sont pas encore totalement cicatrisées.

Plusieurs vagues de violences et de déplacements ont en effet été enregistrées depuis le début des années 1990. Parmi les plus importantes, il y a notamment les violences intercommunautaires de 2012 et, cinq ans plus tard, la crise qui a contraint plus de 740 000 Rohingyas à franchir la frontière pour se réfugier au Bangladesh. Au total, quelque 1,6 million de Rohingyas vivent en tant que réfugiés, principalement au Bangladesh, en Malaisie et en Inde. Sur les 600 000 Rohingyas qui restent au Myanmar, 148 000 sont déplacés dans l’État de Rakhine.

Leurs chances de regagner leurs foyers dans un avenir proche restent minces. Outre l’insécurité persistante qui affecte les communautés rohingya et rakhine, l’État de Rakhine est une région aux débouchés économiques limités.

Les Rohingyas vivent dans des conditions particulièrement précaires après avoir été privés pendant des décennies de leurs droits fondamentaux, notamment la citoyenneté, la liberté de mouvement et l’accès aux services de base tels que l’éducation et les soins de santé. Si les conditions de vie se sont améliorées au cours de la dernière décennie, aucun progrès tangible n’a été enregistré dans les domaines de la citoyenneté et des droits civiques.

Dans le cadre des efforts déployés pour relever ces défis, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille avec des partenaires pour favoriser une plus grande cohésion sociale entre les deux groupes ethniques et réduire la probabilité de futures violences intercommunautaires.

L’organisation réussie de la journée sportive impliquant les villages rakhine et rohingya est le couronnement d’un projet d’autonomisation des jeunes ruraux mené depuis un an par ACTED, une ONG internationale partenaire du HCR.

« Les jeunes jouent un rôle particulier dans le façonnement des dynamiques intercommunautaires », explique Htin Kyaw Min, chef de projet chez ACTED. « Ils peuvent agir comme des acteurs du changement en renforçant le dialogue, les processus décisionnels et la résolution des conflits, au sein et entre les communautés. »

« Nous avons beaucoup de choses en commun. »

Le Comité de développement de la jeunesse auquel appartiennent Maung Kyaw Maung et Myint Swe est l’un des six mis en place par ACTED dans le cadre du projet. Les membres de chaque groupe reçoivent une formation sur le leadership, la consolidation de la paix, l’entrepreneuriat et les premiers secours, entre autres. Ils travaillent ensuite avec les anciens et les administrateurs des villages pour identifier les besoins et mettre en place des solutions communes bénéficiant aux deux communautés.

La formation a permis aux membres de proposer des activités génératrices de revenus au service de leurs deux communautés. « La formation à l’entrepreneuriat nous a donné l’idée d’acheter des tables et des chaises qui sont utilisées pour les événements communautaires, comme la journée sportive d’aujourd’hui. Lorsqu’elles ne sont pas utilisées, nous envisageons de les louer à d’autres villages pour générer des revenus », explique Myint Swe. « Nous voulons utiliser l’argent gagné pour achever la construction d’une route reliant nos deux villages. »

En favorisant l’intégration sociale et l’autonomisation économique des communautés rakhine et rohingya, le projet d’autonomisation des jeunes vise à favoriser les conditions qui permettront de rétablir les droits fondamentaux des Rohingya et d’ouvrir la voie à un retour chez eux en toute sécurité.

« Nous avons beaucoup de choses en commun », déclare Myint Swe, qui note que les deux villages manquent de structures éducatives, mais surtout celui des Rohingyas. « Nous faisons de notre mieux pour nous aider mutuellement à acquérir davantage de compétences. La connaissance est très importante et aide à maintenir la paix. »

« Auparavant, les interactions entre nos villages étaient moins fréquentes », ajoute Maung Kyaw Maung. « Maintenant, nous entretenons des relations plus amicales les uns avec les autres. »

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Publie par le HCR, le 23 mars 2022.

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