Un homme et une femme se sourient l'un à l'autre alors qu'ils sont assis devant une peinture murale en forme de cœur.

Moussa Mohammed, 25 ans, et Jamila Ahmed, 22 ans, un couple de réfugiés soudanais récemment mariés, dans leur abri du camp de réfugiés de Sherkole, au nord-ouest de l’Éthiopie. © HCR/Tiksa Negeri

Moussa et Jamila avaient de grands projets pour leur mariage, mais le conflit au Soudan a brisé leurs rêves. Ils ont fui vers l’Éthiopie où ils reconstruisent leur vie.

Par Moulid Hujale dans le camp de réfugiés de Sherkole, en Éthiopie


Moussa Mohamed, 25 ans, se souvient parfaitement de la première fois qu’il a vu Jamila Ahmed, 22 ans, lors d’une cérémonie de mariage à Khartoum, la capitale du Soudan. Elle est entrée sur la piste de danse vêtue d’une magnifique robe orange, sa couleur préférée.


« La couleur de ses vêtements m’a vraiment attiré… Quand je l’ai regardée, j’ai vu de la beauté », se souvient Moussa. Elle a poliment décliné son invitation à danser, mais malgré cet échec initial, il est resté sous le charme.

Quelques semaines plus tard, ils se sont croisés à nouveau lors d’un événement où elle aidait ses hôtes à servir le thé aux invités. Cette fois, ils ont discuté et échangé leurs coordonnées. Au bout d’un an, ils sont tombés amoureux et ont décidé que Moussa demanderait sa main aux parents de Jamila.

« C’était incroyable », confie-t-il. « J’attendais ce jour depuis longtemps. J’avais l’impression que le monde entier m’appartenait. »

Des projets de mariage réduits à néant

Ils avaient prévu une grande fête de mariage en avril de l’année dernière. Mais juste avant le grand jour, Khartoum s’est embrasée lorsque des combats ont éclaté entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide.

Ils décident alors de fuir Khartoum ensemble mais, défiant le chaos qui régnait autour d’eux, ils ont organisé à la hâte une cérémonie avec leurs proches pour officialiser leur union.

Ne pouvant rejoindre la famille de Moussa au Darfour pour des raisons de sécurité, ils ont décidé de rejoindre l’Éthiopie où son frère aîné vivait en tant que réfugié.

Ils se sont d’abord rendus à Damazine, dans l’État du Nil Bleu, avant de se lancer dans la traversée périlleuse de la frontière.

Le frère de la jeune femme a été blessé au cours des combats, mais le reste de la famille est en sécurité pour l’instant. « J’ai le mal du pays, je pense à ma famille qui est restée là-bas… mais c’est notre destin et la volonté de Dieu, et nous devons l’accepter », soupire Jamila.

 

Moussa et Jamila font partie des quelque huit millions de personnes contraintes de fuir leur foyer en raison des graves violences qui ont ravagé le Soudan au cours des dix derniers mois. Plus de 1,6 million de réfugiés et de rapatriés ont franchi les frontières vers le Tchad, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, l’Égypte et l’Éthiopie, et plus de 6,1 millions de personnes ont été nouvellement déplacées à l’intérieur du pays.

Le jeune couple faisait partie du premier groupe d’environ 50 000 réfugiés et demandeurs d’asile qui sont entrés en Éthiopie au début des hostilités. Ils se sont d’abord installés dans le centre de transit de Kourmouk, près de la frontière, avant que le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ne les transfère vers le camp de réfugiés de Sherkole, situé à une cinquantaine de kilomètres de là.

« C’est bien ici parce que j’ai un abri individuel. Au centre de transit, nous vivions avec quatre autres personnes sous une même tente… Ici, il ne fait pas froid, il n’y a pas de problèmes », explique Moussa.

Trouver ses marques

Moussa n’a pas l’habitude de rester inactif. À Khartoum, il tenait une boutique tout en étudiant à temps partiel à l’université des sciences et technologies du Soudan.

Déterminé à reconstruire sa vie, il a ouvert un petit commerce de sandales et de produits alimentaires dans le camp grâce à ses économies et au soutien de son frère aîné, qui a accueilli le couple dans le camp de réfugiés.

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Moussa dans son petit commerce du camp de réfugiés de Sherkole, où il vend des sandales et des produits alimentaires. © HCR/Tiksa Negeri
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Moussa lave des sandlaes devant son échoppe, prête à être vendues.© HCR/Tiksa Negeri
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Moussa et Jamila devant le dessin d'un coeur qu'elle a peint dans leur abri. © HCR/Tiksa Negeri
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Moussa attend les clients à l'extérieur de la petite boutiqye qu'il a ouverte grâce à ses économies et à l'aide de son frère aîné. © HCR/Tiksa Negeri

Assis devant sa boutique, au cœur du marché principal du camp, Moussa nettoie une pile de chaussures en plastique dans une bassine d’eau savonneuse avant de les suspendre pour les vendre. « Si j’ai un peu d’argent, je me sens libre », explique-t-il. « J’ai l’impression d’avoir une solution à mes problèmes. J’encourage les réfugiés à lancer leur propre activité, car ce que les agences d’aide nous donnent ne dure que quelques semaines. »

Le HCR travaille avec le Gouvernement éthiopien et ses partenaires à la construction d’un autre site pour accueillir les nouveaux arrivants et favoriser la création de moyens de subsistance et l’intégration économique des réfugiés. Cependant, l’Éthiopie accueille déjà près d’un million de réfugiés – en plus de 3,5 millions de personnes déplacées internes – et les ressources disponibles sont insuffisantes pour répondre à la demande. Le HCR a besoin de 426 millions de dollars pour fournir une protection et une assistance vitale à ces personnes cette année.

Rester positif

A midi, Moussa quitte sa boutique et va voir sa femme dans leur petite maison en terre battue, située à environ 10 minutes de marche du marché. Jamila a décoré les murs de leur chambre en y dessinant de grands cœurs avec de l’argile orange.

En dépit des tristes circonstances qui ont accompagné leur mariage, Jamila affirme que la décoration reflète ses sentiments à l’égard de Moussa, ainsi que ses espoirs pour leur vie commune. « Ces dessins me rappellent l’amour que j’éprouve pour mon mari. Je suis heureuse d’être avec la personne que j’aime [et] je souhaite un avenir radieux à nos enfants. »

Publié par le HCR le 14 février 2024

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