Le camp de Kigonze à Bunia, dans la province de l’Ituri en RDC, abrite 14 000 personnes déplacées internes. Plus de 6,3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. © HCR/Guerchom Ndebo

Ceci est un résumé des déclarations de Gillian Triggs, Haut Commissaire assistante en charge de la protection du HCR, à qui toute citation peut être attribuée, lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 14 juillet 2023 au Palais des Nations à Genève

Genève – L’est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’évènements préoccupants, alors que les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri connaissent une recrudescence des violences entre les groupes armés non étatiques et les forces gouvernementales.

Depuis mars 2022, quelque 2,8 millions de personnes ont été déracinées dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri. Des civils sont tués et torturés, tandis que de nombreuses autres violations du droit humanitaire et des droits humains sont signalées, notamment des arrestations arbitraires, le pillage de centres de santé et d’habitations civiles, et la destruction d’écoles.

Nous sommes également particulièrement préoccupés par les informations de plus en plus nombreuses faisant état de violences sexuelles à l’encontre des femmes et des jeunes filles déplacées de force, notamment des viols et des cas d’exploitation sexuelle.

Il est particulièrement troublant de constater que les dernières données révèlent que sur plus de 10 000 personnes ayant eu recours aux différents services de lutte contre les violences basées sur le genre (VBG) dans le Nord-Kivu au cours du premier trimestre de l’année, 66 % d’entre elles étaient des victimes de viols.

Un grand nombre de ces violences sexuelles auraient été perpétrées par des hommes armés. Ces informations ont été partagées depuis la RDC par un réseau inter-agences de coordination en matière de protection (connu sous le nom de « domaine de responsabilité » en matière de VBG) qui opère dans le cadre du Cluster Protection, placé sous la direction du HCR.

Nous pensons toutefois que ces chiffres ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, et ce pour un certain nombre de raisons. De nombreuses victimes ne sont pas en mesure d’accéder aux services liés à la violence basée sur le genre, ou renoncent à signaler les abus par crainte d’être stigmatisées par leur communauté ou de subir des représailles de la part des auteurs de ces actes. L’accès aux personnes déracinées demeure également un défi de taille, tant en termes de sécurité que de logistique.

À mesure que les ressources disponibles diminuent, les dangers augmentent, et les femmes et les jeunes filles sont aujourd’hui amenées à prendre de plus grands risques pour répondre à leurs besoins essentiels. Des informations font état de femmes et de jeunes filles agressées sexuellement lors de la collecte de bois de chauffage et d’eau, par exemple.

L’insécurité alimentaire et le manque de moyens de subsistance ont également augmenté les risques d’exploitation et de maltraitance des femmes et des adolescentes. Certaines femmes sont contraintes de recourir à des moyens d’adaptation néfastes, notamment à la prostitution dans les campements spontanés autour de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Nous appelons le gouvernement et les autorités locales à prendre des mesures immédiates pour lutter contre cette situation. Les responsables de ces violations graves des droits humains et du droit humanitaire doivent être amenés à répondre de leurs actes.

Le HCR et les acteurs humanitaires s’efforcent d’atténuer ces risques croissants et d’y répondre. Dans le cadre d’interventions plus larges comprenant la fourniture d’une assistance humanitaire, de soins psychosociaux et d’une aide en matière d’abris, nous travaillons avec des organisations locales dirigées par des femmes. Celles-ci se trouvent en première ligne et ont permis à plus de 9 000 personnes de bénéficier de mesures de prévention et de réponse en matière de violence sexiste depuis le début de l’année.

Nos interventions prévoient également un soutien psychosocial pour les victimes, ainsi des activités destinées à faire évoluer les mentalités – y compris chez les hommes et les garçons – et à mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles au sein des communautés.

En collaboration avec l’OIM et l’UNICEF, nous avons permis l’identification et le transfert de plus de 20 000 personnes déplacées vulnérables, parmi lesquelles de nombreuses femmes et jeunes filles, depuis des sites d’installation spontanée comme Kanyaruchinya et Bulengo, dans la ville de Goma et ses environs, vers des lieux d’hébergement plus sûrs sur les sites de Buchagara et Rusayo II. Elles y bénéficient d’un abri et d’une assistance.

Nous sommes cependant très inquiets de la baisse du niveau de financement de cette situation d’urgence en RDC. En effet, les interventions de prévention et de lutte contre la violence sexuelle et sexiste, qui permettent de sauver des vies, s’en trouvent fortement limitées. La RDC compte 522 000 réfugiés et demandeurs d’asile. Plus de 6,3 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays en raison d’une violence extrême. Il s’agit de l’une des plus importantes crises de déplacement interne au monde. À ce jour, le HCR n’a reçu que 33 % des 233 millions de dollars nécessaires pour répondre aux besoins urgents de ces personnes.

Alors que l’insécurité et le conflit persistent, les possibilités de retour et les moyens de subsistance des personnes déracinées restent limités. Le HCR réitère donc son appel à l’attention de la communauté internationale – des gouvernements aux acteurs du développement – pour qu’elle contribue à venir en aide aux personnes déplacées de force dans ce qui est l’une des crises humanitaires les plus complexes mais aussi les plus négligées. Le financement d’interventions humanitaires plus larges ainsi que de programmes de prévention et de réponse à la violence sexuelle et sexiste est urgemment nécessaire.

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