Plusieurs personnes sont assises par terre en position croisée, chacune portant un couvre-chef. Elles tendent toutes leurs mains vers le centre du cercle dans lequel elles se sont rassemblées, en forme de poing.

Des femmes participent à une séance de thérapie de groupe dans une mosquée de Bamyan, dans les hauts plateaux du centre de l’Afghanistan. © HCR/Caroline Gluck

Les restrictions croissantes imposées aux femmes et aux filles en Afghanistan, la dégradation de la situation économique dans le pays et des décennies de conflit ont contribué à créer une crise de santé mentale qui touche plus particulièrement les femmes

Par Caroline Gluck à Bamyan et Kaboul 


Dans un dispensaire de la banlieue est de Kaboul, Razia, 26 ans, vient dire au revoir à sa conseillère psychosociale, Farzana Amini. Ces derniers mois, elle a sollicité l’aide de Farzana car elle est tombée en dépression après avoir quitté son emploi d’enseignante et s’être coupée de ses amis et de sa famille.


Aujourd’hui, dit-elle, elle a l’impression d’être une personne différente. « Ma vie a changé depuis que je suis venue chercher de l’aide ici », explique-t-elle. « Je suis si reconnaissante. Avant, j’étais désespérée au point de vouloir que ma vie se termine. Je ne pouvais pas parler de mes problèmes à quelqu’un d’autre avant. »

Les services de soutien psychosocial comme celui-ci, mis en place avec l’aide du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, fournissent un espace sûr à de nombreuses femmes et filles, ainsi qu’à des hommes et des garçons, où ils peuvent discuter de leurs problèmes avec des professionnels.

Les services de santé mentale restant rares dans le pays et les problèmes de santé mentale faisant l’objet d’une stigmatisation en Afghanistan, beaucoup n’ont personne d’autre vers qui se tourner pour avoir de l’aide.

Une demande croissante

Farzana, qui travaille pour le partenaire du HCR HealthNet TPO, déclare que depuis qu’elle a commencé à travailler dans le dispensaire au début de l’année, elle a constaté une augmentation de 40 à 50 % du nombre de patients venant demander de l’aide. « Cette augmentation est due à plusieurs facteurs : les restrictions croissantes imposées aux femmes et aux filles, le taux élevé de violences domestiques dans les foyers et l’aggravation générale de la situation économique », explique-t-elle.

L’adoption récente de la Loi pour la promotion de la vertu et la prévention du vice, qui a introduit de nouvelles mesures restreignant la conduite, les déplacements et la tenue vestimentaire des personnes n’a fait qu’ajouter aux pressions auxquelles sont confrontées les femmes en Afghanistan. Beaucoup se sentent désespérées, déprimées et en colère.

Trois personnes portant des couvre-chefs de couleurs différentes sont assises, le dos tourné à la caméra, et regardent vers une personne située à l'avant de la pièce, avec une expression calme sur le visage.

Les séances de thérapie de groupe comme celle-ci organisées par le partenaire du HCR WSTA (Watan’s Social and Technical Services Association) sont saluées par les femmes comme un espace sûr où elles peuvent discuter des problèmes qu’elles rencontrent. © HCR/Caroline Gluck

Farzana anime des séances de thérapie de groupe sur des sujets spécifiques, allant de l’anxiété au stress et à l’insomnie. Elle organise également des séances individuelles. Le fait d’intervenir dans un dispensaire local lui permet de travailler en étroite collaboration avec un agent de santé de la communauté, qui diffuse des informations sur les questions psychosociales et de santé mentale et les services disponibles, et l’alerte sur les cas qui ont besoin d’aide.

Le HCR soutient des programmes similaires dans tout l’Afghanistan. Lors d’une séance de thérapie de groupe à Bamyan dans les hauts plateaux du centre, organisée par un autre partenaire, WSTA (Watan’s Social and Technical Services Association), une vingtaine de ces femmes sont assises ensemble, discutent de la gestion du stress et soulignent à quel point leur vie quotidienne est devenue beaucoup plus difficile depuis les nouvelles restrictions introduites par les autorités de facto.

« Il y a beaucoup de violence dans les foyers en ce moment. Il y a des disputes, pas d’opportunités, pas d’emploi, ou seulement des emplois peu rémunérés », déclare une participante, Fatima, 38 ans, mère de quatre filles qui ne peuvent plus aller à l’école depuis l’entrée en vigueur des restrictions qui interdisent aux filles d’étudier au-delà de la sixième année. « C’est la première fois que je participe à ces séances et je pense que c’est très utile. C’est un lieu où je peux venir parler de mes problèmes. Il n’y a nulle part ailleurs où je peux parler. »

Une autre participante, Najiba, 25 ans, a commencé à suivre les séances de thérapie après être devenue si dépressive et pleine de peurs qu’elle a perdu l’appétit et a arrêté ses études de sage-femme, l’une des rares possibilités d’étudier qui restait pour les femmes. « Je rêvais de finir mes études supérieures pour pouvoir m’occuper de ma famille et payer nos dépenses, mais lorsque les talibans sont arrivés, j’ai tout perdu et mes problèmes psychologiques ont commencé, » explique-t-elle. « Les séances m’ont donné de l’espoir et la thérapeute m’a aidé à retrouver de la force en moi. J’ai décidé de reprendre les études et j’étudie à présent de nouveau pour devenir sage-femme. »

Les catastrophes naturelles aggravent la situation

D’après le Plan de réponse 2024 aux besoins humanitaires en Afghanistan (HNRP), la détresse psychologique touche plus de la moitié des Afghans, une personne sur cinq souffrant de problèmes de santé mentale plus graves.

Par son travail de suivi communautaire, le HCR a aussi constaté un besoin généralisé pour plus de soutien psychosocial et en santé mentale. Les circonstances difficiles provoquées par les catastrophes naturelles ou l’arrivée de membres de la famille contraints de rentrer depuis l’Iran et le Pakistan n’ont fait qu’exacerber la situation. Du personnel de partenaires spécialement formé a été rapidement déployé pour prodiguer des premiers secours psychologiques et un soutien émotionnel aux familles en deuil lorsqu’une série de séismes dévastateurs ont frappé la province occidentale d’Hérat en octobre dernier. Les mêmes interventions ont été mises en œuvre lors des inondations qui se sont produites dans plusieurs parties du pays en mai et en juillet de cette année.

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Un homme adulte est assis sur un tapis et deux enfants sont assis à sa droite. Un autre homme est assis devant eux et lit deux textes de Blancs en faisant des gestes avec ses mains.

Un père de six enfants participe à une séance de soutien psychosocial organisée par un partenaire du HCR dans son village, dans l’ouest de l’Afghanistan, à la suite des inondations de mai. © HCR/Caroline Gluck

Mais les besoins en santé mentale continuent à dépasser de loin les services psychosociaux disponibles, laissant en particulier de nombreuses femmes en proie à des pressions psychologiques insupportables, dans l’isolement. Pour tenter de répondre à certains des besoins urgents, le HCR a élaboré un plan de trois ans visant à renforcer les services de santé mentale. Depuis le début de l’année, plus de 35 000 personnes ont participé à des activités individuelles ou de groupe de soutien psychosocial et de santé mentale.

L’un des objectifs majeurs du HCR est de renforcer les compétences psychosociales au sein des communautés. Quelque 55 conseillers afghans appartenant à deux partenaires locaux travaillant dans 19 provinces ont participé à des ateliers afin de renforcer leurs compétences en matière d’écoute et de gestion des cas urgents.

À Kaboul, Razia n’a aucun doute sur les bénéfices que l’on retire lorsque l’on demande de l’aide et dit qu’elle le recommandera aux autres. Elle a repris son travail d’enseignante et s’est même fiancée récemment.

« Je recommanderai à 100 % ce service aux autres femmes et filles. Lorsque je suis arrivée ici, j’étais vraiment en dépression et j’avais beaucoup de pensées négatives. Avant, je n’arrivais pas à parler de ma situation à quelqu’un d’autre. Mais après l’aide que j’ai reçue, je me sens totalement différente. »

Publie par le HCR, le 10 octobre 2024.

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