Un policier de la GRC monte la garde au bout du chemin Roxham à la frontière du Canada et des États-Unis. ©UNHCR/Gisèle Nyembwe

18 mois après avoir traversé la frontière des États-Unis et du Canada de manière irrégulière, un réfugié haïtien fait tout son possible pour réussir au Canada

Par Gisèle Nyembwe à Montréal, Canada

Pierre cherche calmement dans son sac à dos rempli de documents.  Il en sort une feuille.  Elle est un peu froissée, signe qu’il l’a très souvent regardée. Son visage s’illumine. C’est la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) qui le reconnait comme réfugié.  Cette décision représente beaucoup pour lui : une nouvelle vie à l’abri de la peur ou de la persécution due à ses activités politiques dans son pays d’origine.

L’homme de 48 ans qui travaillait en Haïti pour Oxfam Québec, fait partie des cinq mille Haïtiens qui ont traversé la frontière des États-Unis et du Canada à partir du chemin Roxham pendant l’été 2017.  Au total, quelques vingt mille personnes, y compris les Haïtiens, avaient traversé la frontière cet été-là, faisant du chemin Roxham, l’entrée principale pour les arrivées irrégulières.

« Je n’avais pas le choix, » confesse-t-il. « Je devais quitter les États-Unis.  La peur d’être renvoyée en Haïti était devenue insoutenable. Je suis content d’être au Canada et je veux réussir. Je sais que j’aurai beaucoup à faire. »

Pierre a été reconnu comme réfugié en mai 2018. La CISR a jugé que sa vie était en danger en raison de son engagement politique en tant que militant d’un parti d’opposition en Haïti.

Ses craintes sont liées à une tragédie personnelle.  En juillet 2012, le jeune frère de Pierre a été brutalement assassiné en plein centre-ville de Port-au-Prince.  L’enquête avait révélé que les meurtriers s’étaient trompés de personne. Pierre était en fait la cible. Son frère avait été tué à cause de ses activités politiques.

Pierre admet, par contre, que la décision de venir au Canada le terrifiait. De fausses informations circulaient dans la communauté.  Il s’inquiétait de ce qui allait lui arriver après avoir traversé la frontière de manière irrégulière. Mais il n’avait pas d’autre choix.

Un grand panneau au bout du chemin Roxham à la frontière du Canada et des États-Unis, qui donne de l’information sur le processus de demande d’asile au Canada. ©UNHCR/Denise Otis

« Je suis triste d’avoir eu à quitter mon pays. Haïti a investi en moi.  J’ai fait toute mon éducation dans des écoles publiques.  Je dois tout ce que je suis devenu à mon pays, » dit-t-il. « Je ne dis pas que je regrette d’être ici. Je suis en sécurité ici et tout le monde que j’ai croisé a été très accueillant, mais je veux aussi réussir. »

Avec le soutien de La Maison d’Haïti, Pierre a trouvé son premier emploi, juste un mois après avoir reçu son permis de travail au Canada.  Tout s’étant bien passé, il a obtenu, quelques semaines plus tard, une meilleure position et de plus, une position permanente dans un entrepôt de vêtements.  Le gouvernement fédéral octroie les permis de travail dans les trente jours après que la demande d’asile a été déposée.  Ceci permet aux demandeurs d’asile comme Pierre de commencer très vite à gagner leur vie et à être autonome sans avoir à dépendre des allocations sociales pendant le traitement de leur demande d’asile.

Les programmes diversifiés qu’offre La Maison d’Haïti, incluant l’assistance juridique ou la recherche d’emploi visent à aider ceux-ci à se remettre sur pied et à regagner leur autonomie le plus rapidement possible. Les foires de l’emploi qu’elle organise permettent aux réfugiés et demandeurs d’asile d’entrer en contact avec des employeurs potentiels de la région.

Pierre tient à réussir au Canada et ceci reste une préoccupation constante pour lui.  Pour l’instant, il est fier d’être capable de se prendre en charge, d’être en mesure de payer son propre loyer et d’envoyer un peu d’argent à son fils en Haïti.

Mais il veut plus. C’est pourquoi il a présenté une demande au Collège Ahuntsic à Montréal pour un programme d’études intensif en technique juridique.  Il compte trouver du travail de nuit pour pouvoir se consacrer à ses études à temps plein pendant la journée.

« Les principes le disent : si vous êtes un bon citoyen dans votre pays, vous le serez aussi pour l’humanité.  Si vous avez été bien élevé, avez eu une bonne instruction et éducation, vous aller réussir, » confie Pierre au HCR.

Pour plus d’informations sur ce qui se passe à la frontière, veuillez vérifier:

Le nom de Pierre a été changé pour des raisons de confidentialité.

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