Roda Jock* est une réfugiée sud-soudanaise vivant à Gambella, en Éthiopie. Elle travaille pour l’ONG International Medical Corps, partenaire du HCR, qui vient en aide aux victimes de violences basées sur le genre dans le camp de réfugiés de Kule. © HCR/Reath Riek

Dans le monde entier, des femmes et des jeunes filles déracinées font les frais de la détérioration des conditions économiques, de la hausse des prix et du manque de financement de l’action humanitaire.

Gloria Inés Padilla Benítez, responsable de l’organisation Fundación Un Nuevo Ser, aux côtés de réfugiées, de migrantes et de rapatriées dans le camp Villa Caracas à Barranquilla, en Colombie. © HCR/Manuel de Jesus Díaz Polo

Elle indique que de nombreuses femmes avec lesquelles elle travaille estiment qu’elles n’ont pas d’autre choix que de rester dans des relations abusives car elles craignent de ne pas pouvoir subvenir à leurs besoins si elles devaient partir. Elle ajoute que l’inflation croissante aggrave le problème. « Si la plupart des femmes avec lesquelles nous travaillons avaient déjà des salaires inférieurs à la normale, ou arrivaient à peine à joindre les deux bouts en vendant du café ou d’autres choses dans la rue, la hausse des prix n’a fait que rendre leur survie encore plus difficile, ce qui, bien sûr, rend encore plus difficile pour elles de se sortir d’une relation abusive. »

Le type de travail, informel, que les réfugiées et les migrantes vénézuéliennes, dont beaucoup n’ont pas de papiers, peuvent obtenir en Colombie augmente également leur risque d’exposition à la violence basée sur le genre.

« Certaines femmes se retrouvent dans des situations tellement compliquées que le fait de se lancer dans une relation abusive ou de vendre des services sexuels semble être la seule issue », a déclaré Gloria. Elle ajoute que son organisation tente d’intervenir et de fournir un soutien afin que les femmes ne soient pas contraintes de faire des choix aussi préjudiciables.

« Nous constatons toutes que le peu d’argent que nous avons nous mène de moins en moins loin. »

« À la Fundación Un Nuevo Ser, nous nous appuyons sur la force du nombre pour tenter de nous aider les unes les autres. Aucune d’entre nous ne possède grand-chose, mais si nous faisons toutes un petit effort, nous pouvons parfois réunir assez d’argent pour aider l’une d’entre nous à se sortir d’une situation particulièrement difficile », a-t-elle déclaré, reconnaissant que l’inflation a eu raison de la capacité du groupe à se mobiliser. « Nous constatons toutes que le peu d’argent que nous avons nous mène de moins en moins loin. »

Alors que la nécessité de programmes visant à lutter contre les violences basées sur le genre dont sont victimes les personnes déracinées n’a jamais été aussi grande, le financement ne suit pas. Le HCR estime que les besoins budgétaires pour ses programmes de prévention et de lutte contre la violence basée sur le genre s’élèvent à 330 millions de dollars en 2023, soit le montant le plus élevé jamais atteint.

Au Soudan, un autre pays où l’aide alimentaire aux réfugiés a été réduite de 50% ces derniers mois, le manque de financement a un impact majeur sur les programmes de lutte contre la violence basée sur le genre, selon Alisona Rajbanshi, chargée de protection au HCR et basée à Khartoum.

« Il est difficile d’assurer une couverture géographique complète pour la prévention et la lutte contre la violence basée sur le genre », a-t-elle déclaré. « Les services de soutien psychosocial pour les victimes sont affectés dans certains endroits. Il y a un manque de refuges pour les victimes. »

Au camp de réfugiés d’Um Rakuba, dans l’est du Soudan, qui a ouvert fin 2020 pour accueillir les réfugiés éthiopiens fuyant le conflit dans la région du Tigré, le manque de financement suffisant destiné aux services d’aide aux victimes de violences basées sur le genre a des conséquences pour les femmes qui ont un besoin de protection.

Bisrat Kifle a fui le Tigré en 2020, laissant sa famille derrière elle. Elle vit désormais dans le camp d’Um Rakuba, à l’est du Soudan, où elle est bénévole dans un centre pour femmes, offrant une oreille attentive aux autres femmes. © HCR/Althea Gonzales

« Chaque jour, nous sommes témoins de violences physiques entre époux, à cause de l’argent, de leur situation, de leur vie », a déclaré Bisrat Kifle, une ancienne professeure d’anglais de 26 ans originaire du Tigré, qui est bénévole dans un centre pour femmes du camp géré par l’ONG Alight, un partenaire du HCR.

« La première chose que la plupart des victimes de violence basée sur le genre demandent est un abri d’urgence », a-t-elle ajouté. « Lorsqu’elles se battent avec leur agresseur… elles ont peur de rester dans le même espace. Elles ont besoin d’un lieu sûr. »

« Si elles recevaient des rations alimentaires complètes, tout irait mieux. »

En plus d’organiser des séances de sensibilisation et d’orienter les femmes vers l’une des organisations humanitaires présentes dans le camp qui travaillent avec les victimes, Bisrat et ses collègues bénévoles sont à l’écoute des problèmes de ces femmes, et leur offrent un soutien et une épaule sur laquelle pleurer.

« Nous les écoutons attentivement, avec respect », dit Bisrat. « Si elles veulent pleurer, nous les laissons pleurer. Nous ne pouvons rien promettre, car si nous leur faisons une promesse et ne pouvons la tenir, nous leur ferons du mal. »

« S’ils recevaient des rations complètes, tout irait mieux », a-t-elle ajouté. « C’est difficile d’aller bien en étant loin de son pays, de chez soi. Il est aussi difficile de dire que tout ira bien, mais ça pourrait aller mieux que ça. »

*Le nom a été modifié pour des raisons de protection.

Avec le concours de Jenny Barchfield en Colombie, Kelly Koo en Éthiopie, et Althea Gonzales et Mary Burton Kwanjana au Soudan.

Publie par le HCR, le 25 novembre 2022.

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