Naushin Anjum, kinésithérapeute, en séance avec Helal Uddin au Centre de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle de Shamlapur, Bangladesh.

Naushin Anjum, kinésithérapeute, en séance avec Helal Uddin au Centre de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle de Shamlapur, Bangladesh.
© HCR/Will Swanson

Un centre de kinésithérapie établi dans le sud-est du Bangladesh traite côte à côte des réfugiés rohingyas et leurs hôtes bangladais.


Hazera est aussi grand-mère et réfugiée rohingya. Elle a fui le Myanmar en 2017 avec sept enfants et quatre petits-enfants. Deux autres fils ont été tués dans les violences exercées contre les Rohingyas.

Hazera et sa famille vivent non dans le vaste camp de Kutupalong, où plus de 633 000 personnes sont logées, mais dans des installations de fortune proches de là, à proximité de la communauté hôte.

Ils sont venus à Shamlapur parce que des membres de la belle-famille de sa fille y vivaient déjà. Hazera et les siens comptent parmi les quelques 170 000 réfugiés vivant aux côtés de Bangladais dans des installations établies dans différents districts plus au sud de la péninsule.

Peu de temps après son arrivée, une violente douleur s’est installée dans son épaule.

« Au Myanmar, ces personnes n’ont jamais reçu de traitement médical adéquat. »

La douleur est devenue si intense qu’elle ne pouvait quasiment plus bouger le bras. Une voisine bangladaise lui a parlé du centre de kinésithérapie de Shamlapur.

« Je n’avais pas d’argent », dit-elle. « Je suis venue ici parce qu’on m’a dit que c’était gratuit. »

Le centre a été établi en juillet 2018 par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, pour répondre aux besoins de la communauté hôte et des réfugiés rohingyas et traite les patients gratuitement. Le centre emploie deux kinésithérapeutes et deux assistants.

Hazera a hésité avant de venir, mais les séances de kinésithérapie lui faisaient tant de bien qu’elle est revenue plusieurs fois.

« Je me sens mieux », dit-elle. « La douleur est très atténuée. » Malgré tout, elle a encore du mal à mobiliser son bras.

Selon Naushin Anjum, l’une des kinésithérapeutes du centre, son expérience est typique, mais sans l’être totalement.

« Au Myanmar, ces personnes n’ont jamais reçu de traitement médical adéquat » dit Naushin. « Au début, les réfugiés semblaient très inquiets, mais nous avons commencé à les motiver et à leur expliquer les choses correctement. Petit à petit, ils sont venus se faire traiter, mais ils sont nombreux à ne pas revenir pour un suivi. »

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Naushin Anjum (à droite) guide Abdul Quddus, un patient, au Centre de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle de Shamlapur, Bangladesh. © HCR/Areez Rahman
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Aisha trois ans, en traitement au Centre de kinésithérapie et de rééducation fonctionnelle de Shamlapur pour un retard de développement qui l’empêche de s’asseoir et de déplacer son dos © HCR/Areez Rahman
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Grâce aux séances de kinésithérapie reçues au centre, Aisha peut aujourd’hui s’asseoir et marcher sans l’aide d’un déambulateur © HCR/Areez Rahman
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Noor Salam (en blanc), un réfugié rohingya, s’entretient avec son ami bangladais Abdul Quddus, 70 ans, au centre de physiothérapie et de réadaptation physique financé par le HCR à Teknaf, au Bangladesh. © HCR/Firas Al-Khateeb

La plupart des patients du centre sont en fait bangladais — 874 Bangladais pour 286 Rohingyas entre juillet 2018 et octobre 2019 — une proportion qui reflète la population de la zone : 16 319 Bangladais pour 10 210 Rohingyas.

Le centre est une nouveauté pour les Bangladais eux aussi. « À Shamlapur, ils n’avaient jamais eu de kinésithérapeute auparavant », dit Naushin.

Maintenant, ils viennent se présenter au centre avec leurs maladies et leurs blessures.

Mohammed Ullam Kaisar vient depuis déjà plusieurs mois. Il a été victime d’un accident de la route où cinq autres personnes sont mortes. Gravement blessé dans l’accident, il entre en boitant dans la salle de traitement, tout en soutenant son bras droit.

« Mon médecin m’a dit que je ne pourrai plus jamais écrire de la main droite », dit-il. « Alors je viens ici pour renforcer mes muscles et tous les jours depuis le début de l’année, je m’entraîne à écrire de la main gauche. Comme ça, je pourrai reprendre mes études et passer mon diplôme de comptabilité. »

Les programmes destinés à venir en aide aux réfugiés comme à leurs communautés d’accueil figurent à l’ordre du jour du Forum mondial sur les réfugiés, une réunion de haut niveau qui se tiendra à Genève vers la fin d’année. Les États, le secteur privé et d’autres acteurs annonceront des contributions à fort impact donnant aux réfugiés la chance de s’épanouir aux côtés de leurs hôtes.

« Avec nous, ils reçoivent un traitement au centre et c’est bien. »

Selon Naushin, il y a peu de tensions entre les deux communautés. Les kinésithérapeutes se considèrent comme une passerelle entre les deux. « En tant qu’intervenante médicale, ça me fait plaisir de pouvoir servir les uns et les autres. »

Dans une autre salle de soins du centre, Golam Kibriya reçoit un message pour soulager son dos voûté. Il dit être centenaire.

« Je me sentais plutôt bien jusqu’à ces dernières années », dit-il. « Puis mon dos a commencé à me faire terriblement mal. Ils ont dû me porter jusqu’ici. »

Le bas de sa colonne vertébrale est en train de s’affaisser. La kinésithérapeute atténue la douleur et empêche les muscles des jambes de s’atrophier davantage.

« Je me sens bien mieux maintenant », dit-il.

Quant aux Rohingyas au centre et en ville, Naushin ajoute : « Avec nous, ils reçoivent un traitement au centre et c’est bien. C’est la responsabilité des musulmans de leur venir en aide. »

Hazera dit qu’elle apprécie l’aide qu’elle reçoit de la communauté locale et qu’elle essaiera de leur rendre la pareille.

« Si mon état s’améliore », dit-elle, « j’irai à la mosquée pour y cuisiner pour les enfants. »

Publie par le HCR, le 06 novembre 2019

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