Un demandeur d'asile devant un centre d'urgence au Rwanda

Un réfugié sud-soudanais assis devant le centre de transit de Gashora après son arrivée de Libye la veille au soir.
© HCR/Tobin Jones

Les demandeurs d’asile transférés en sécurité au Rwanda après leur libération des centres de détention libyens appellent dans leurs pays pour rassurer leurs familles qui craignent le pire.


Un simple appel téléphonique aux personnes aimées restées dans leur pays, qui les ont probablement cru morts depuis l’arrêt des contacts.

Mohamed Daood Ali, un réfugié de la région soudanaise du Darfour, n’avait pas parlé à sa mère pendant les deux ans qu’il avait passés dans un centre de détention libyen. Il a quitté le Darfour et pris le chemin de la Libye dans l’espoir de traverser la Méditerranée vers l’Europe, mais il n’y est jamais parvenu.

« Rien ne s’est jamais passé comme je l’espérais. »

Mohamed prend une profonde inspiration et compose un numéro que lui a communiqué un membre de sa famille via Facebook. C’est la première fois depuis le début de sa détention qu’il peut communiquer librement.

« Allô Maman », dit-il en entendant une voix de femme au bout du fil. Un portable pressé contre l’oreille, il est assis sur une marche devant son nouveau logement au centre de transit des réfugiés à Gashora, dans le sud-est du Rwanda.

« Qui est à l’appareil ? » dit sa mère en arabe.

« C’est moi, Mohamed », répond-il.

« Mohamed Daood ? Mohamed Daood, où es-tu? » dit-elle en riant de surprise.

Mohamed compte parmi les centaines de réfugiés qui ont été transférés au Rwanda depuis la Libye grâce aux vols d’évacuation organisés par le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. L’Agence a aidé 2250 réfugiés et demandeurs d’asile à quitter la Libye en 2019, dont 840 ont été réinstallés dans un pays tiers.

Plus de 1000 personnes sont mortes cette année en tentant de traverser la Méditerranée. Des appels téléphoniques comme celui que vient de passer Mohamed ravissent le cœur des membres de leurs familles qui redoutent d’avoir perdu ceux qu’ils aiment. Ces appels les laissent aussi émotionnellement partagés.

« Je suis au Rwanda, Maman », dit Mohamed, les joues baignées de larmes. « Rien ne s’est jamais passé comme je l’espérais. »

« Ma mère m’a dit, ce n’est pas un endroit sûr pour toi. »

Ce jeune étudiant en comptabilité de 32 ans a quitté le Darfour, une région de l’ouest du Soudan dévastée par un conflit qui sévit depuis 2003 quand des rebelles ont pris les armes contre le gouvernement. Sa mère l’a incité à partir après son arrestation lors d’une manifestation d’étudiants, après laquelle il avait été relâché, mais prévenu de ne jamais dire un mot sur le Darfour.

« « Ma mère m’a dit, ce n’est pas un endroit sûr pour toi. Il faut que tu trouves un endroit sûr où tu ne risques pas de te faire tuer », se souvient Mohamed. « Beaucoup d’étudiants étaient tués. »

Sa famille a réuni tout l’argent qu’elle pouvait pour tenter de le mettre sécurité, l’envoyant dans un périple qui l’amènerait en Égypte, puis en Libye.

Les personnes qui entrent en Libye ou tentent d’en sortir sans documents valides risquent souvent de se faire arrêter et emprisonner. Mohamed voulait tenter de traverser la Méditerranée en bateau, mais s’est fait arrêter en traversant Tripoli, la capitale libyenne.

« Quand nous sommes arrivés [au centre de détention], il y avait des gens qui n’avaient pas vu le soleil depuis un an », dit-il. « Ils vous disent que vous êtes esclave et ils vous battent ; il n’y a rien à manger. »

Selon le HCR, environ 2500 réfugiés et demandeurs d’asile sont prisonniers dans les centres de détention libyens. Environ 306 ont été évacués vers le Rwanda suite à un accord passé entre le Gouvernement rwandais, le HCR et l’Union africaine.

Des exemples de solidarité tels que celui-ci ont été présentés au Forum mondial sur les réfugiés qui s’est tenu à Genève en décembre. Le Forum a rassemblé des gouvernements, des organisations internationales, des collectivités locales, des organisations de la société civile, des entreprises du secteur privé, des membres des communautés hôtes ainsi que des réfugiés pour discuter des meilleures politiques à mettre en œuvre pour protéger les réfugiés et leur prêter assistance comme à leurs hôtes afin qu’ils s’épanouissent et trouvent des solutions durables.

Au centre de transit, Mohamed apporte son aide en faisant des traductions depuis l’arabe ; il se dit heureux au Rwanda, mais espère pouvoir être réinstallé dans un autre pays pour y démarrer une nouvelle vie.

« Rien n’a évolué dans mon pays, je ne peux pas y retourner. Il faut que je fasse des études et que je travaille dur pour aider mon peuple, c’est l’espoir que j’entretiens pour le moment », dit-il.

Publie par le HCR, le 24 décembre 2019

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