Umaimah, une jeune Yéménite déplacée, devant l'abri de fortune qu'elle partage avec ses parents et ses cinq frères et sœurs dans le camp d’Al Khawkhah, à Taiz, au Yémen.

Umaimah, une jeune Yéménite déplacée, devant l’abri de fortune qu’elle partage avec ses parents et ses cinq frères et sœurs dans le camp d’Al Khawkhah, à Taiz, au Yémen. © UNHCR/Marie-Joëlle Jean-Charles

Des centaines de milliers de personnes sont de plus en plus confrontées à l’insécurité alimentaire au Yémen

De Jean-Nicolas Beuze, tel que raconté à Lauren La Rose

Le pays dans lequel se déroule actuellement la pire crise humanitaire au monde fait face à des défis toujours plus nombreux. Au Yémen, le risque d’insécurité alimentaire ne cesse d’augmenter, un problème qui touche les zones de conflit où vivent la moitié des quatre millions de Yéménites déplacés. Jean-Nicolas Beuze, Représentant du HCR au Yémen, nous fait part de ses réflexions et fait le point sur la situation sur le terrain.

Quels sont les facteurs à l’origine de l’insécurité alimentaire au Yémen?

L’intensification du conflit et l’embargo sur les carburants ont entraîné l’effondrement de l’économie du pays, ainsi que la flambée des prix des denrées alimentaires et d’autres produits de base. Même avant la pandémie de COVID-19, 80 % de la population yéménite dépendait de l’aide humanitaire pour sa survie quotidienne, selon nos estimations. Dans ces circonstances, alors que les familles yéménites peinent déjà à subvenir à leurs besoins élémentaires, on peut facilement imaginer la situation dans laquelle se trouvent les personnes déplacées par le conflit (un Yéménite sur huit) qui sont, quant à elles, particulièrement exposées à la faim. Ayant perdu leur logement et leurs moyens de subsistance, il leur est souvent difficile de joindre les deux bouts.

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De quoi avez-vous le plus besoin actuellement pour combattre l’insécurité alimentaire?

Notre programme d’assistance financière ciblant les familles déplacées les plus vulnérables est le moyen le plus digne d’aider les Yéménites à échapper à la famine. Selon nos estimations, 97 % des personnes qui reçoivent notre aide financière en utilisent une partie pour acheter de la nourriture, principalement du riz, parfois des oignons ou des tomates, et du pain. Nous savons également – ce qui est extrêmement préoccupant – que sans cette aide financière, la plupart des familles devraient réduire leurs dépenses en matière de soins médicaux, d’éducation et de produits pour les nourrissons. De nombreux parents nous ont dit qu’ils seraient prêts à se priver de nourriture pour faire en sorte que leurs enfants aient de quoi manger.

Dans un courrier précédent, vous avez décrit les difficultés rencontrées par les réfugiés et les personnes déplacées pour se procurer des produits de première nécessité pendant la pandémie. Comment aidez-vous les personnes dans le besoin à faire face à l’actuelle crise de santé publique?

Les réfugiés, principalement originaires de Somalie, et les familles déplacées par le conflit dans le pays comptent parmi les plus pauvres au Yémen. Lorsque la pandémie s’est déclarée dans le pays, ils avaient déjà du mal à satisfaire leurs besoins alimentaires, à payer leur loyer ou à envoyer leurs enfants à l’école. Toutefois, avec le ralentissement de l’économie, ils ont été les premiers à perdre leur emploi dans le secteur informel. Le fait d’être déplacés impose à ces gens de faire des choix impossibles au quotidien : acheter de quoi manger ou garder un toit au-dessus de leur tête. Dans ce genre de circonstances extrêmes, il arrive que l’achat de médicaments ou de savons soit relégué au second plan. Malheureusement, cette catégorie de la population fait aussi face à des décès quotidiens et voit également se propager d’autres maladies transmissibles, comme le choléra et le paludisme. Beaucoup m’ont dit qu’ils n’avaient pas les moyens d’amener leurs proches malades dans un centre de santé et qu’ils ne pourraient pas couvrir les frais de traitement. Là encore, notre programme d’aide financière leur permet de pouvoir faire des choix.

« Le fait d’être déplacés impose à ces gens de faire des choix impossibles au quotidien : acheter de quoi manger ou garder un toit au-dessus de leur tête. »

Selon l’Organisation internationale pour les migrations, quelque 172 000 personnes ont été nouvellement déplacées au Yémen en 2020. Quel type de soutien le HCR et ses partenaires ont-ils pu apporter à ces personnes et à leur famille?

Le HCR se trouve en première ligne pour répondre aux besoins immédiats de ces familles qui viennent de tout perdre dans le conflit. Notre intervention de première ligne est double : nous leur fournissons un abri d’urgence pour les protéger des éléments, ainsi que de l’argent pour qu’elles puissent acheter de la nourriture. En effet, nous oublions à quel point avoir un abri est essentiel pour les femmes et les enfants afin de se protéger des risques qui les entourent; pour les personnes handicapées afin de conserver un peu de dignité; et enfin pour les aînés qui aspirent à vivre dans un espace préservant leur sécurité et leur intimité alors qu’ils doivent gérer les problèmes liés à la vieillesse. Toutefois, je dois vous avouer qu’il est actuellement difficile d’obtenir suffisamment de financement pour fournir à tous ces gens des abris d’urgence de bonne qualité et durable, et en temps opportun.

Quels sont les principaux domaines d’intervention que le HCR privilégiera en 2021 pour intensifier son aide auprès des réfugiés et des personnes déplacées au Yémen?

Pour les Yéménites déplacés par le conflit, le HCR continue de mettre la priorité sur l’aide financière et la fourniture d’abris, tandis que nos autres partenaires humanitaires se concentrent sur d’autres aspects de l’assistance. Cependant, le HCR est la seule agence à prendre en charge les 130 000 réfugiés dans le pays. Qu’il s’agisse de combler leurs besoins alimentaires, médicaux ou éducatifs, les réfugiés bénéficient d’un accès limité voire inexistant aux services publics et dépendent de nous pour survivre.

« La pandémie nous a montrés que personne ne sera à l’abri du virus tant que nous ne le serons pas tous. »

Que peut faire la population canadienne pour continuer à soutenir le HCR dans le cadre de ses opérations humanitaires au Yémen?

Vous pouvez continuer à fournir votre soutien, que ce soit au HCR ou à d’autres partenaires humanitaires, au Yémen et ailleurs, parce que chaque dollar compte. La pandémie nous a montrés que personne ne sera à l’abri du virus tant que nous ne le serons pas tous.

Étant donnée la situation dont je suis témoin et l’ampleur des défis qui paraissent souvent insurmontables, je dois avouer qu’il m’arrive parfois d’être découragé. Cependant, le fait de savoir que mes compatriotes sont à nos côtés me donne à moi et à nos équipes la force d’intensifier nos efforts afin d’améliorer la vie de millions de déplacés yéménites et de réfugiés somaliens. Je sais que nous pouvons compter sur vous pour poursuivre nos interventions d’ordre vital au Yémen.

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