Des nouveaux arrivants qui fuient le conflit au Soudan se retrouvent au poste frontière de Joda, au Soudan du Sud, en attendant d’être transférés vers le site de transit de Renk. © HCR/Ala Kheir

Ceci est un résumé des déclarations de Dominique Hyde, Directrice des relations extérieures du HCR – à qui toute citation peut être attribuée – lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 7 novembre 2023 au Palais des Nations à Genève

GENÈVE – La guerre qui a éclaté au Soudan a transformé des foyers auparavant paisibles en cimetières. A l’heure où nous parlons, les combats gagnent en ampleur et en intensité, affectant le peuple soudanais, et le monde reste scandaleusement silencieux, alors que des violations du droit international humanitaire continuent d’être commises en toute impunité. Il est honteux que des atrocités similaires à celles commises il y a 20 ans au Darfour puissent avoir lieu aujourd’hui sans que l’on y prête attention. En conséquence, près de six millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer. Plus d’un million ont fui vers les pays voisins, souvent fragiles, et certaines d’entre elles ont déjà entrepris de poursuivre leur périple plus loin.

Loin des regards et absent des gros titres des journaux, le conflit au Soudan continue de faire rage. Dans tout le pays, une crise humanitaire inimaginable sévit, alors que de plus en plus de personnes sont déracinées par les combats incessants.

Au Soudan, 4,5 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays depuis avril, lorsque la guerre a commencé, tandis que 1,2 million ont fui vers les pays voisins comme le Tchad, l’Égypte, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et la République centrafricaine. L’écrasante majorité des réfugiés (dans certains cas, comme en République centrafricaine, près de 90 %) sont des femmes et des enfants.

Les récents combats dans la région du Darfour ont provoqué des déplacements plus importants encore. Des milliers de personnes peinent à trouver un abri et beaucoup dorment sous des arbres le long des routes. Nous sommes très préoccupés par le fait que ces personnes n’ont pas accès à la nourriture, à un abri, à de l’eau potable ou à d’autres biens de première nécessité.

La semaine dernière, j’ai visité l’État du Nil Blanc au Soudan, où l’on estime à plus de 433 000 le nombre de personnes déplacées internes. Avant le conflit, l’État du Nil blanc accueillait déjà près de 300 000 réfugiés, essentiellement des Sud-Soudanais, dans dix camps.

L’augmentation du nombre de personnes déplacées a entraîné une saturation des services existants dans les camps. Comme ailleurs au Soudan, les écoles sont fermées depuis sept mois, les personnes déracinées se réfugiant temporairement dans les salles de classe. La formation et les perspectives sont ainsi compromises pour des millions d’enfants soudanais. La situation sanitaire dans le pays est désastreuse. Plus de 1 200 enfants de moins de 5 ans sont morts dans l’État du Nil Blanc entre la mi-mai et la mi-septembre, en raison d’une épidémie de rougeole combinée à des niveaux élevés de malnutrition. Au moins quatre enfants meurent encore chaque semaine dans l’État du Nil blanc, faute de médicaments, de personnel et de matériel de base.

L’exode des réfugiés soudanais vers les pays voisins gagne en importance. Au Tchad, les nouveaux arrivants se succèdent au rythme de 700 personnes par jour environ. La semaine dernière, j’étais à Renk, au Soudan du Sud, à proximité de la frontière avec le Soudan. Ces derniers jours, Renk a connu une forte augmentation des arrivées de réfugiés. Au cours de la semaine où j’y étais, plus de 20 000 personnes ont franchi la frontière en provenance du Soudan. Certaines d’entre elles étaient des Sud-Soudanais retournant dans leur pays, mais la plupart, environ 70 % d’entre elles, étaient des citoyens soudanais.

Le centre de transit de Renk, construit pour 3000 personnes, en accueille aujourd’hui environ 20 000, dont la plupart sont des réfugiés soudanais. Le site est surpeuplé et la situation ne cesse de s’aggraver. La situation en ce qui concerne l’eau et l’assainissement est telle qu’il y a un risque réel d’épidémie de choléra. Je travaille dans l’humanitaire depuis près de 30 ans et c’est probablement l’une des pires crises que j’aie connues.

Les chiffres sont impressionnants. Officiellement, plus de 362 000 personnes sont arrivées au Soudan du Sud depuis le début du conflit au Soudan. Les organisations humanitaires comme le HCR et d’autres font tout ce qu’elles peuvent pour les aider, mais nos équipes sont débordées. Nous travaillons jour et nuit, mais nos moyens ne sont pas suffisants pour faire face à tous les besoins. Il est urgent de trouver des fonds pour pouvoir y répondre.

Des témoignages bouleversants font état de viols et de violences sexuelles à grande échelle. Les Nations Unies appellent à un arrêt immédiat de toutes les violences sexuelles et sexistes, notamment lorsque celles-ci sont utilisées comme une tactique de guerre visant à terroriser les populations. Les auteurs de ces crimes doivent être tenus responsables de leurs actes et les victimes doivent pouvoir bénéficier d’un soutien médical et psychosocial. Les parties concernées doivent mettre en place des mécanismes pour éviter que de telles violences ne se reproduisent.

Le Plan régional de réponse en faveur des réfugiés, qui vise à répondre aux besoins humanitaires dans les pays voisins qui accueillent des réfugiés soudanais, n’est actuellement financé qu’à hauteur de 39 %. L’appel de fonds s’élève à 1 milliard de dollars pour 64 partenaires dans cinq pays. Un appel distinct destiné à répondre aux besoins humanitaires à l’intérieur du Soudan n’est financé qu’à hauteur d’un tiers. Cet appel doit permettre de venir en aide à 18,1 millions de personnes et requiert 2,6 milliards de dollars.

Ces deux appels sont d’une importance capitale. Si nous ne fournissons pas une aide humanitaire d’urgence aux populations civiles du Soudan, celles-ci continueront à fuir vers les pays voisins, comme le Soudan du Sud et le Tchad, qui s’efforcent de faire face à l’aggravation de la crise. Et si nous ne parvenons pas à aider ces pays à répondre aux besoins les plus élémentaires des réfugiés, ceux-ci chercheront un moyen de se mettre à l’abri et d’assurer un avenir meilleur à leurs familles, même si cela implique de risquer leur vie en se mettant entre les mains de passeurs pour entreprendre de longs et dangereux périples.

Je salue la reprise des pourparlers de Djedda et j’espère qu’ils permettront au moins de parvenir rapidement à un cessez-le-feu.

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