Riyadh, Ahmed et Khalid dorment pendant une tempête de neige.

Riyadh, Ahmed et Khalid dorment pendant une tempête de neige. © HCR / Andrew McConnell

Je demande à Jalila, la grand-mère des triplés nouveau-nés de la plaine de la Bekaa, au Liban : « Comment faites-vous pour les différencier ? »  Elle répond avec confiance : « Je le sais, c’est tout! » Le bébé dans ses bras est, dit-elle, différent de ses deux frères, qui, eux, sont identiques. J’y regarde de plus près, mais je n’arrive toujours pas à déterminer qui est qui.

Riyadh, Ahmed et Khalid sont nés de parents réfugiés syriens le jour du Nouvel An. Ils sont tout petits, fragiles, et beaux. La première chose qu’ils verront lorsqu’ils ouvriront leurs yeux dehors sera un manteau de neige blanche, presqu’aussi merveilleux qu’eux.

J’ai entendu parler des triplés pour la première fois au cours d’une visite dans la plaine de la Bekaa, où une forte tempête de neige est en cours. Ma curiosité étant piquée, je décide d’aller voir où ils se trouvent.

Leur tente, lorsque je la découvre plus tard, est entourée de neige et pleine de monde. Nous recevons un accueil chaleureux, mais l’ambiance est triste. La joie de l’arrivée de vies nouvelles dans la famille se mêle au chagrin de la perte qui l’a accompagnée.

Le nom de leur mère, Amal, signifie « espoir ». Cependant, après avoir donné naissance aux triplés, elle a eu une forte hémorragie. Les médecins ont essayé en vain de lui sauver la vie. Elle n’a même pas eu la chance de voir ses merveilleux petits garçons.

La famille me dit qu’elle leur avait donné des noms avant de les mettre au monde, et qu’elle demandait souvent à son mari, Saleh, de bien veiller sur eux si quelque chose devait lui arriver. La maman d’Amal avait péri de la même façon.

Saleh, 31 ans, se souvient encore comment il avait rencontré Amal, et comment il était immédiatement tombé amoureux d’elle. Il dit qu’elle adorait les enfants. Ce n’est pas surprenant : les triplés ont deux frères et une sœur, tous âgés de moins de quatre ans. « Mon épouse était une reine de beauté », se souvient-il. « Lorsque je l’ai vue, nous nous sommes aimés immédiatement. Je l’aimais tant, et elle m’aimait en retour. »

La mère de Saleh me dit que des pleurs l’avaient réveillée quelques nuits auparavant. Elle s’est levée, en pensant que c’était les triplés, mais elle a trouvé son fils tenant dans ses bras ses trois nouveau-nés. Ils pleuraient leur mère, et tout ce que Saleh pouvait faire, c’était les serrer contre lui et pleurer avec eux.

Jalila holds a photograph of her daughter-in-law, Amal, who gave birth to triplets on New Year's Day, but soon died of heavy bleeding.
Jalila holds a photograph of her daughter-in-law, Amal, who gave birth to triplets on New Year's Day, but soon died of heavy bleeding. © UNHCR / Andrew McConnell
Dr Zeineddine Saad and midwife Omaya Khatib make their way through the snow to check up on the triplets.
Dr Zeineddine Saad and midwife Omaya Khatib make their way through the snow to check up on the triplets. © UNHCR / Andrew McConnell
Saleh and his mother hold two of the triplets at the family’s shelter in Bekaa Valley, Lebanon. His wife, Amal, experienced heavy bleeding and died soon after giving birth.
Saleh and his mother hold two of the triplets at the family’s shelter in Bekaa Valley, Lebanon. His wife, Amal, experienced heavy bleeding and died soon after giving birth. © UNHCR / Andrew McConnell
Triplets Riyadh, Ahmed and Khaled are among the very youngest of Syria's 3.3 million refugees. They were born on New Year's Day.
Triplets Riyadh, Ahmed and Khaled are among the very youngest of Syria's 3.3 million refugees. They were born on New Year's Day. © UNHCR / Andrew McConnell

S’il y a une chose que j’ai apprise sur les réfugiés en travaillant avec le HCR, c’est qu’ils sont unis par des liens familiaux très forts et un formidable sentiment de communauté.  C’est leur façon de faire face aux obstacles, et cela semble les aider énormément. Saleh paraît déprimé par les responsabilités qui lui incombent, mais il est entouré par les membres de sa famille: sa mère, ses sœurs, ses belles-sœurs, ses cousins et son oncle – tous lui offrent une main secourable.

Sa mère, qui a déjà élevé 12 enfants et qui prend maintenant la responsabilité d’élever les triplés, dit que ce n’est pas ce qu’elle avait imaginé de faire à cet âge. Je décide de tester sa force. Je demande si elle permettrait à quelqu’un d’autre de les élever. « Jamais! », dit-elle. Elle a même refusé l’offre d’une de ses filles, afin que les triplés ne soient pas séparés.

En dépit de leurs grandes difficultés, il est rassurant de savoir que les triplés seront élevés au sein d’une communauté aimante et attentive, qui ferait l’impossible pour eux – qui, même dans les conditions du plus rigoureux des hivers, les abrite dans une chaude atmosphère, et leur donne tout son amour.

 

Par Warda Al-Jawahiry

Pin It on Pinterest