Malgré les craintes liées à un avenir incertain, les citoyens de la plus jeune nation du monde s’accrochent à l’espoir d’un Soudan du Sud pacifié.
Tout a commencé quand elle a désamorcé une dispute près d’une pompe à eau sur le site pour déplacés internes de Don Bosco à Juba, au Soudan du Sud, où les longues files d’attente sous le soleil brûlant entraînent parfois des querelles ou des bousculades.
Elle a ensuite organisé une intervention pour un voisin alcoolique et a aidé une femme à avoir accès à une prise en charge médicale à la suite d’une agression sexuelle.
Aujourd’hui, Salwa Atoo, 37 ans, mère de sept enfants, aux yeux brillants et à l’attitude pragmatique, est considérée comme la médiatrice incontournable du quartier. Depuis les querelles concernant l’emprunt d’ustensiles de cuisine jusqu’à la question bien plus sensible de la violence domestique – s’il y a un problème à Don Bosco, Salwa est au courant et tente de le résoudre.
« Je ne sais pas pourquoi les gens viennent me demander de l’aide », admet-elle.
Salwa est couturière et n’a jamais bénéficié d’une quelconque éducation. Avant son installation à Don Bosco en 2014, après avoir perdu son mari et sa maison pendant la guerre civile, elle a vécu toute sa vie dans un petit village où on lui a appris « qu’une femme n’a pas le droit de parler devant des hommes. »
Mais aujourd’hui, elle est fière de pouvoir aider sa communauté.
Neuf ans après l’indépendance du Soudan du Sud, sept ans après le début d’une guerre civile sanglante et deux ans après que les parties au conflit ont signé un accord de paix, il reste beaucoup à faire dans le plus jeune pays du monde pour assurer un avenir sûr et stable à sa population.
Si les parties au conflit ont formé un nouveau gouvernement unifié, l’accord de paix n’est pas encore pleinement mis en œuvre et des millions de personnes sont toujours déracinées – près de 1,7 million à l’intérieur du Soudan du Sud et plus de 2,2 millions en tant que réfugiés dans les pays voisins.
Le conflit armé se poursuit dans certaines régions entre le gouvernement et les non-signataires de l’accord de paix, tandis que dans d’autres, la violence intercommunautaire est en augmentation, alimentée par la concurrence pour les ressources, l’accès facile aux armes et la faiblesse de l’État de droit.
« Dans la construction de la nation, chacun a son rôle à jouer. »
Les conséquences de la violence ont été encore aggravées par l’actuelle pandémie de Covid-19, car les restrictions de mouvement liées aux mesures de confinement du pays entravent la capacité des organisations humanitaires à fournir de l’aide.
En dépit de l’incertitude, les Sud-Soudanais comme Salwa ont continué à se soutenir mutuellement comme ils l’ont fait pendant des décennies de guerre et de déplacements, avant et après la fondation du pays. Le cas de Salwa n’est qu’un exemple parmi d’autres de la façon dont les habitants du Soudan du Sud alimentent leurs espoirs mutuels par de petits gestes quotidiens, sur la voie d’une paix durable pour leur jeune pays.
« Dans la construction de la nation, chacun a son rôle à jouer », explique Angelina Nyajima, une ancienne réfugiée de retour au pays.
Après avoir passé 15 ans dans des camps de réfugiés en Éthiopie et au Kenya, Angelina a fondé une association à but non lucratif, appelée Hope Restoration South Sudan, pour mettre en œuvre des projets de consolidation de la paix et d’autonomisation des femmes. L’ONG a amélioré la sécurité des femmes et des filles à Leer, dans l’Etat de l’Unité, en rénovant trois routes envahies par la végétation, et qui étaient devenues des repaires pour les criminels. En ce moment, Hope Restoration construit un tribunal traditionnel pour soutenir les efforts visant à régler pacifiquement les différends familiaux et communautaires.
D’autres contributions sont plus modestes, mais n’ont pas moins d’impact. Isaac Mabok, un déplacé interne vivant dans un site de protection des civils des Nations Unies à Malakal, dans le Haut-Nil, aide à construire un avenir meilleur pour le Soudan du Sud en donnant un exemple de résilience et de dur labeur à ses sept enfants. Il a refusé de baisser les bras après avoir perdu sa jambe à la suite d’une blessure par balle et, par conséquent, avoir dû abandonner son métier d’agriculteur. Au lieu de cela, il a trouvé un programme de formation professionnelle et a acquis de nouvelles compétences.
« Quand les hommes partent à la guerre, tant de choses reposent sur les épaules des femmes. »
« Il faut faire tout son possible pour éviter de rester oisif », dit-il. « Prenez soin de vous, de votre famille et de votre communauté malgré tous les défis et les difficultés rencontrés, tout en priant et en ayant foi en Dieu, en espérant un avenir meilleur. »
Adesa Fiada est une enseignante bénévole de l’Association de femmes Anika à Yambio, au Soudan du Sud, qui rassemble des femmes et des jeunes filles pour partager des connaissances et des expériences.
« Le fait de suivre un cours de couture lorsque j’étais réfugiée en République démocratique du Congo m’a donné un objectif pendant cette période difficile et m’a aidée à prendre soin de ma famille », explique-t-elle. « Quand les hommes partent en guerre, tant de choses reposent sur les épaules des femmes. »
Depuis qu’Akendru Onesta est rentrée au Soudan du Sud depuis l’Ouganda, où elle a grandi dans un camp de réfugiés, elle utilise l’argent qu’elle gagne grâce à son travail au HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, pour payer les frais de scolarité de cinq nièces et neveux. De cette façon, dit-elle, elle espère « les aider à aider un jour les autres. »
« Nous n’avons rien si nous n’avons pas d’espoir. »
Les parcours de chacun de ces individus – comme celui du Soudan du Sud – ont été semés d’embûches.
Chacun s’est demandé, comme Angelina après que les bureaux de Hope Restoration aient été détruits au cours de la guerre civile, entraînant le déplacement de ses 15 employés : « Que suis-je en train de faire ? Parfois, on a l’impression de faire tant d’efforts, pour être ensuite ramené au point de départ. »
Mais ils ont choisi de rester pour leurs communautés.
« Nous ne sommes rien si nous ne sommes pas ensemble », estime Angelina. « Nous n’avons rien si nous n’avons pas d’espoir. »
Avec la participation de Martim Gray Pereira à JamJang et de Serhii Chumakov à Malakal
Publie par le HCR, le 09 juillet 2020