A family of six walking down a boardwalk next to a body of water.

Ali Al-Ahmad, sa femme Zahida et leurs quatre enfants se promènent le long du fleuve Guadalquivir à Séville, dans le sud de l’Espagne. © HCR/Marc Rovira

Six mois après avoir tout perdu lors des tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé le sud-est de la Türkiye, une famille de réfugiés syriens reconstruit sa vie à Séville, en Espagne

Par Zahra Mackaoui et María Jesús Vega Pascual à Séville, Espagne


C’était un dimanche comme les autres pour Ali Al-Ahmad qui passait ce jour de repos avec sa famille chez eux à Gaziantep, dans le sud-est de la Türkiye.


Cela faisait dix ans qu’Ali, 45 ans, sa femme Zahida et leurs quatre enfants avaient été contraints de fuir Alep, en Syrie. Pendant toute cette période, ils avaient peu à peu reconstruit leur vie. Leurs enfants étaient scolarisés, Ali travaillait dans une usine de production de vêtements et, au prix de grands efforts, ils avaient pu construire une nouvelle maison dans ce pays qui les avait accueillis. Ils étaient fiers de ce qu’ils avaient accompli.

Mais à 4h16 le lendemain matin, le 6 février, les Al-Ahmad ont dû faire face à une nouvelle catastrophe. Cette fois, ce n’étaient pas les bombes qui menaçaient de faire s’écrouler leur maison, mais un tremblement de terre. « En un instant, en 16 secondes, tout a été détruit », raconte Ali. « C’était terrifiant, on avait l’impression qu’on pouvait mourir à tout moment, le bâtiment tremblait, les gens criaient… mais d’une manière ou d’une autre, je suis parvenu à réunir les enfants et à les faire sortir de la maison. »

D’une magnitude de 7,8 et 7,5 sur l’échelle de Richter, les deux séismes et leurs répliques ont été parmi les plus dévastateurs enregistrés en Türkiye depuis plus d’un siècle, affectant une région de 15 millions d’habitants, dont 1,7 million de réfugiés. Cette catastrophe, qui a entraîné la mort de plus de 55 000 personnes dans le sud-est de la Türkiye et le nord de la Syrie, a frappé les communautés au plus fort de l’hiver, faisant des millions de sans-abri.

Ali et sa famille ne faisaient pas exception à la règle. Après le tremblement de terre, ils se sont retrouvés confrontés au rude hiver turc, installés dans une petite tente. Ils se blottissaient les uns contre les autres pour se réchauffer, se nourrissant de pain, de biscuits, de noix et de quelques plats chauds distribués de temps à autre.

Un jour, alors qu’il se trouvait dans la tente avec sa famille, Ali a reçu un appel du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés : « Ils m’ont dit que nous avions été retenus pour une réinstallation en Espagne. J’ai jeté un coup d’œil autour de moi, j’ai regardé mes enfants et ma femme. Nous avions tout perdu, mais il y avait à nouveau de l’espoir », se souvient-il. « C’est un sentiment incroyable que de voir quelqu’un vous tendre la main et vouloir vous aider. »

La réinstallation comme preuve de solidarité

Le 4 mars, un mois seulement après les tremblements de terre, Ali et sa famille sont arrivés en Espagne par le premier vol de réinstallation d’urgence en provenance de Türkiye. L’Espagne a été le premier pays à répondre à la demande du HCR d’accélérer les procédures de réinstallation des réfugiés affectés par la catastrophe. Après ce premier vol, d’autres ont suivi en provenance de Türkiye, permettant à près de 300 réfugiés de prendre un nouveau départ en Espagne. Ces réfugiés font partie des 1 200 personnes que le gouvernement espagnol s’est engagé à accueillir cette année au titre de la réinstallation.

La réinstallation de personnes réfugiées est une preuve tangible de solidarité et de partage des responsabilités avec des pays tels que la Türkiye, qui accueille depuis 2014 la plus grande population de réfugiés et de demandeurs d’asile au monde. Elle offre également des solutions immédiates aux familles en situation de vulnérabilité, comme celle d’Ali.

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Ali et sa femme Zahida prennent des cours d'espagnol au centre d'accueil des réfugiés de Séville, où ils vivent. © HCR/Marc Rovira
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Ali emmène ses enfants de 11 et 9 ans à l'école à Séville. © HCR/Marc Rovira

La famille Al-Ahmad vit actuellement dans un centre d’accueil pour réfugiés géré par le ministère de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations à Séville. Les enfants ont pu intégrer le système scolaire. Après avoir survécu à une guerre et à un tremblement de terre, et avoir perdu des êtres chers, leur séjour au centre les aide à guérir de ce traumatisme. « L’un de mes fils fait encore des cauchemars et se réveille souvent en criant au milieu de la nuit », confie Ali.

En plus de couvrir leurs besoins de base pendant deux ans, l’équipe de professionnels du centre leur offre un soutien psychosocial, des cours d’espagnol, ainsi qu’un accompagnement administratif et professionnel pour les aider à s’intégrer dans la société espagnole et à devenir indépendants.

Ali ne connaît que trop bien les difficultés liées au fait de devoir recommencer sa vie à zéro. Mais toute son énergie est désormais consacrée à l’apprentissage de l’espagnol et à la recherche d’un emploi afin que sa famille puisse quitter le centre et emménager dans un appartement. « Même si je me fais vieux, j’ai toujours le cœur et l’esprit d’un jeune homme », plaisante-t-il. « Je suis déterminé à reconstruire ma vie ici, à travailler et à éduquer mes enfants. Je veux me consacrer à mes rêves et faire en sorte qu’ils se réalisent. »

Publie par le HCR, le 4 août 2023.

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