Oksana, Yurii et Svitlana devant leur maison détruite à Nalyvaikivka, dans la région de Kyiv. © HCR/Andrew McConnell

Par Victoria Andrievska et Saorlaith Ni Bhroin à Kyiv


A Nalyvaikivka, un paisible village près de Kyiv, les habitants examinent les débris de leurs maisons détruites, dans l’espoir de sauver ce qui peut l’être. D’autres se rassemblent aux portails des jardins, exprimant leur soutien et leurs condoléances, pour essayer de faire face aux décès et aux destructions de ces dernières semaines.


Voilà le nouveau quotidien des habitants de Nalyvaikivka, qui forment une communauté très unie. Sa rue principale était autrefois un lieu plein de vie, où les habitants partageaient le peu qu’ils avaient et où les voisins bavardaient par-dessus les clôtures des jardins.

Mais le 4 mars, le village a été réveillé par le son strident des sirènes annonçant des raids aériens et des bombardements. Rassemblant à la hâte quelques articles de première nécessité, tels que des manteaux d’hiver et des gants, les habitants se sont précipités pour se mettre à l’abri dans les bunkers voisins.

Les membres d’une famille du village, Yurii, Oksana et leur fille Svitlana, se sont réfugiés dans leur cave, une pièce froide utilisée pour conserver les confitures et les légumes marinés faits maison. « Alors que la porte de la cave se refermait au-dessus de nos têtes, j’ai entendu le bruit des vitres qui se brisaient », raconte Oksana. Lorsque la famille est finalement ressortie de la cave, ils ont constaté que leur maison avait été touchée.

Craignant pour leur sécurité, ils ont fui vers une ville voisine chez des amis, et ne sont revenus que quelques semaines plus tard. « Nous sommes revenus lorsque les troupes se sont retirées de la zone et que les bombardements ont cessé. Toute la rue était grise des cendres des bâtiments incendiés. Notre cour était pleine de gravats, d’ardoises, de cadres de fenêtres, de verre. Nous avons passé de nombreuses journées à essayer de tout nettoyer, en faisant très attention car nous ne savions pas s’il y avait encore des munitions non explosées ou d’autres choses dangereuses dans la cour. »

En quête de sécurité, leur fille de 24 ans, Svitlana, est allée rejoindre un ami en Slovaquie, mais elle est revenue un mois plus tard. « Je ne pouvais tout simplement pas rester là-bas en sachant que mon père et ma mère devaient vivre cet enfer. » Son frère, Oleksandr, 31 ans, qui vit à Kyiv, participe également à l’effort en aidant la famille à déblayer les décombres. Le petit chien de la famille, Bonita, reste assis et fixe l’endroit où se trouvait leur maison.

« J’ai investi toute ma vie dans cette maison. »

Oksana, une infirmière de 51 ans, a passé des années à construire sa maison, aujourd’hui détruite, à partir de rien, avec l’aide de son frère, pour que ses enfants, Svitlana et Oleksandr, aient un endroit sûr et chaleureux où grandir et se sentir chez eux. « Nous n’avions pas suffisamment d’argent pour pouvoir construire la maison en une fois », explique-t-elle.

Lorsque Yurii, un ouvrier du bâtiment de 60 ans, est entré dans sa vie il y a quatre ans, le rythme de la construction s’est considérablement accéléré et, ensemble, ils ont achevé la maison de leurs rêves.

« Elle a été construite avec amour et en prêtant attention à chaque petit détail », explique Oksana. « Cette maison était comme un enfant de plus pour nous, nous y avons investi tellement de soins et d’amour. J’ai investi toute ma vie dans cette maison. »

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Svitlana et le chien de la famille, Bonita, à côté de ce qui reste de la maison familiale. © HCR/Andrew McConnell
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La famille vit désormais dans un logement temporaire fourni par le HCR. © HCR/Andrew McConnell
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Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés Filippo Grandi a rencontré Oksana et Yurii dans leur logement le 28 juillet. © HCR/Andrew McConnell
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Le Haut Commissaire Filippo Grandi tient un morceau du missile qui a détruit la maison de la famille. © HCR/Andrew McConnell
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Oksana a utilisé des débris de sa maison en ruine pour décorer ses parterres de fleurs. © HCR/Victoria Andrievska

De nombreux habitants du village ont tout perdu. Des semaines de bombardements meurtriers et de tirs de missiles ont endommagé plus de 220 maisons, dont 30 ont été complètement détruites, y compris sept dans la seule rue d’Oksana. « C’était un quartier sympathique et maintenant c’est la rue des horreurs », dit-elle en examinant les destructions autour d’elle.

En juillet, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a rencontré la famille d’Oksana pour leur exprimer sa solidarité, à eux et aux membres de leur communauté, et pour saluer leur résilience et leur courage.

Alors que des millions d’Ukrainiens subissent les conséquences de la guerre et sont confrontés à l’approche d’un hiver glacial, le HCR, avec le soutien généreux de ses donateurs, s’efforce de faire en sorte que les personnes affectées par le conflit aient un endroit digne et sûr où se loger. Les personnes déplacées recevront de l’argent et une assistance juridique. Les logements – aussi bien les centres résidentiels que les maisons individuelles – seront réparés et des articles tels que des couvertures, des matelas et des lampes seront fournis à ceux qui en ont besoin. La situation humanitaire continue toutefois de se dégrader. On estime que 15,7 millions d’Ukrainiens ont besoin d’aide, dont 6,6 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

Outre le traumatisme lié à la perte de leur maison, les habitants de Nalyvaikivka doivent également faire face à la perte de leurs proches. Par-dessus la clôture du jardin, Oksana fixe une maison détruite. « Nos deux voisins n’ont pas survécu. Le fils est mort pendant le bombardement, et sa mère est morte après à l’hôpital. »

Derrière les décombres de leur ancienne maison, à côté d’un champ de coquelicots, se trouve un bâtiment destiné à l’hébergement temporaire, où la famille vit actuellement. « En mai, nous avons reçu un logement temporaire du HCR », explique Oksana debout dans la petite cuisine. Pour que le logement ressemble davantage à un chez-soi, le HCR a également fourni des matelas, des draps de lit, des lampes à énergie solaire et des articles comme du savon et des serviettes.

Malgré tout ce qui s’est passé, la famille n’a pas baissé les bras. Yurii a déjà commencé à reconstruire leur maison bien-aimée, brique par brique. Un tas de matériaux de construction qu’il a récupéré dans les décombres est un symbole de sa détermination. Le HCR fournira des matériaux supplémentaires pour lui venir en aide.

Oksana, passionnée de jardinage, se tient entre un cerisier calciné et ses fleurs. En utilisant les briques de sa maison détruite, elle a créé de nouveaux parterres de fleurs. « Au moins, je peux ainsi donner une nouvelle vie aux restes de ma maison en ruine. »

Mais bien que les habitants du village soient déjà occupés à reconstruire, les terribles pertes infligées à cette petite communauté rurale ont laissé des traces et les résidents continuent de pleurer ceux qui n’ont pas survécu. Pour Oksana, la nuit est particulièrement difficile. Elle fait des cauchemars et son esprit et son cœur s’emballent lorsqu’elle repense à ce qui s’est passé.

« Sur mon lieu de travail, tout le monde me dit que j’ai de la chance d’avoir survécu. Et je dis ‘oui, je suis vivante, mais mon âme est morte’. Ma maison était comme mon enfant. Je veux vraiment la reconstruire, mais je ne suis pas sûre d’avoir assez de courage. »

 

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Publie par le HCR, le 11 août 2022.

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