Après avoir été grièvement blessé lors d’affrontements en Libye, Mohamed, un demandeur d’asile soudanais, apprend à vivre avec son handicap grâce au soutien du HCR et de l’une de ses organisations partenaires.
Par Caroline Gluck à Tripoli, Libye
Alors que le conflit faisait rage à Tripoli l’année dernière, la vie de Mohamed, un demandeur d’asile soudanais de 22 ans, était sur le point de changer à jamais.
Lui et son frère Youssouf avaient insisté pour rester dans la maison familiale louée dans le quartier d’Alhadba de la capitale libyenne afin de protéger leur logement et leurs biens, tandis que leurs parents et leurs sœurs avaient préféré s’installer dans un quartier plus sûr de la ville pour échapper aux tirs et aux bombardements.
Youssouf, 17 ans, était parti acheter du pain lorsque la maison a été secouée par une explosion. Mohamed, qui était couché sur son lit, a été touché par plusieurs éclats d’obus qui se sont logés dans sa colonne vertébrale.
Après avoir été transporté d’urgence à l’hôpital, Mohamed a subi une opération pour insérer des tiges métalliques dans ses vertèbres. Mais les blessures qu’il a subies lui ont laissé un grave handicap, l’empêchant de bouger le bas de son corps.
« Il a complètement changé depuis l’incident », explique Khawala, sa grande sœur de 24 ans. « Avant, il était très actif, toujours souriant et confiant ; c’était un extraverti. Maintenant, il est à la maison et ne veut plus nous voir, ni personne d’autre. Il ne veut pas être confronté à la pitié des gens. »
En raison de la situation sécuritaire instable et du conflit qui a fait rage à Tripoli pendant plus d’un an, avant de prendre fin en juin dernier, de nombreuses personnes se sont retrouvées handicapées ou blessées à la suite de bombardements ou de la présence d’engins explosifs improvisés.
Selon le plan de réponse humanitaire de 2020 pour la Libye, sur près de 900 000 personnes ayant besoin d’une aide humanitaire dans le pays, environ 15% vivent avec un handicap, ce qui équivaut à quelque 134 000 personnes. Les personnes handicapées sont confrontées à de nombreuses difficultés en Libye.
« Au quotidien, il peut être difficile pour les personnes handicapées d’accéder aux services, aux bâtiments ou aux écoles en fauteuil roulant », indique Meftah Lahwel, responsable de la santé publique pour le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, à Tripoli.
« En mettant les réfugiés en contact avec les prestataires de services qui peuvent leur apporter un soutien physique et psychologique, nous espérons les aider à franchir les étapes qui les mèneront à l’indépendance, et à pouvoir prendre part à la vie de leur communauté. Il arrive souvent qu’ils se sentent exclus, mais comme n’importe qui, ils ont des ressources et peuvent contribuer de différentes manières à la vie de leur communauté. »
- Voir aussi : Une bijoutière vénézuélienne surmonte son handicap pour recommencer une nouvelle vie en exil
Depuis quelques mois, Mohamed reçoit une aide adaptée du partenaire local du HCR, l’ONG Handicap International. Cela comprend des séances de physiothérapie et de soutien psychosocial, dont certaines sont menées par téléphone, en raison des mesures de précaution liées au Covid-19.
L’organisation a également fourni à Mohamed un nouveau fauteuil roulant et lui a appris à l’utiliser, ce qui a eu lieu dans les locaux ouverts d’un centre pour personnes handicapées à Tripoli, afin de respecter les protocoles sanitaires en place, les cas de Covid-19 étant en augmentation constante en Libye.
Il est à espérer que ce nouveau fauteuil roulant offrira à Mohamed une plus grande mobilité et lui donnera ce coup de pouce psychologique dont il a tant besoin pour retrouver une partie de son indépendance, lui qui était confiné dans son lit et qui comptait sur son jeune frère Youssouf pour gérer les tâches quotidiennes telles que le bain, par exemple.
« Ça fait du bien, Dieu merci ! » a déclaré Mohamed après un essai réalisé dans la cour du centre. « Cela m’aidera à entrer et à sortir du lit tout seul, contrairement à avant lorsque mon frère devait me soulever. Je vais alléger le fardeau qui pèse sur mon frère et je vais pouvoir compter sur moi-même. Je pourrai sortir davantage, prendre du temps avec mes amis et la vie s’améliorera. »
Avant sa blessure, Mohamed aimait jouer au football et allait régulièrement à la salle de sport. Après avoir regardé d’autres personnes en fauteuil roulant jouer au basket, Mohamed a envisagé pour la première fois la possibilité de reprendre son ancien mode de vie, plus actif.
« Nous voulons lui apporter de l’espoir et lui montrer que sa vie n’est pas finie. »
« J’aime bien cette ambiance », a-t-il affirmé. « Je veux d’abord les observer, puis j’aimerais venir jouer avec eux. Je me sens mieux mentalement, j’étais déprimé en restant au lit à la maison. Maintenant, je me sens mieux. »
Ses progrès ont été suivis avec attention par l’équipe de Handicap International, qui l’a aidé à traverser cette période difficile d’adaptation à sa nouvelle situation.
« Nous voulons lui apporter de l’espoir et lui montrer que sa vie n’est pas finie, qu’il peut se reconstruire et s’adapter. Surtout en voyant d’autres personnes comme lui ici au centre qui prennent part à des activités sportives », a expliqué Kamila Salem, une assistante en santé psychosociale de Handicap International.
La situation de Mohamed a mis à rude épreuve sa famille, qui avait fui vers la Libye quatre ans plus tôt pour échapper aux combats dans le Darfour, au Soudan, au cours desquels leur maison a été réduite en cendres. Les médicaments et les analgésiques de Mohamed sont chers, et sa famille a du mal à payer les séances de physiothérapie privées supplémentaires qui, selon les médecins, contribueront à sa réadaptation.