Annette Riziki au campus de l’Université du Manitoba à Winnipeg. © Mike Latschislaw/University of Manitoba

S’inspirant de son passé, une jeune Manitobaine change le discours sur les réfugiés au Canada

Lorsque la mère d’Annette Riziki a appris que sa fille avait reçu une bourse Rhodes à la fin de l’année dernière, elle a dansé dans son salon de Winnipeg, raconte Annette, « Je t’avais bien dit que tu te ferais un nom un jour! »

La diplômée de 22 ans de l’Université du Manitoba explique qu’en swahili, « Riziki » signifie « bénédiction » et « bonne fortune ».

« La [bonne fortune], tu l’as depuis que tu es née, particulièrement étant donné la situation dont tu es issue », sont les paroles prononcées par la mère d’Annette ce jour-là, soulignant ainsi leur long et difficile voyage de la République démoncratique du Congo (RDC) déchirée par la guerre jusqu’au Canada.

Lorsqu’Annette n’était encore qu’une fillette, la famille a été forcée de fuir la RDC pendant ce que l’on a appelé la « Grande guerre africaine ». Comme des centaines de milliers de réfugiés congolais au fil des ans, ils sont arrivés dans l’Ouganda voisin, où ils ont vécu jusqu’à ce qu’Annette ait 14 ans.

La vie en Ouganda était parfois difficile, nous raconte Annette, mais ses parents ont essayé de la protéger elle, son frère et sa soeur contre la discrimination et la xénophobie dont les réfugiés étaient victimes. La famille s’est estimée chanceuse de pouvoir venir au Canada en mai 2011, arrivant dans le froid mordant de Winnipeg.

Elle a rapidement appris qu’il peut être difficile de trouver un endroit où l’on se sent chez soi. L’incertitude a toujours accompagné Annette pendant son enfance. Le fait de recommencer à neuf dans un nouveau pays avec une culture et un climat complètement inconnus ont rendu ses premiers mois d’école secondaire à Winnipeg très difficiles.

« Je devais définir mon propre sentiment d’appartenance. »

« Le plus grand défi a été de trouver ma place à l’école », indique-t-elle. Les choses sont devenues un peu plus faciles au commencement du 5e secondaire lorsque des élèves de différents pays africains se sont réunis pour former un groupe de danse afin de participer à un événement « Culture Jam ».

Annette Riziki avec son frère et sa soeur célébrant son troisième anniversaire.

« Ce processus m’a appris que je devais définir mon propre sentiment d’appartenance », raconte Annette. « Et si cela signifiait d’entrer en contact avec des gens de ma communauté, ou des personnes qui me ressemblaient, ou des personnes avec une histoire semblable, alors c’est ce que je devais faire. J’ai établi des contacts grâce aux arts, à la danse et au bénévolat, et cela m’a donné le courage de parler des différents problèmes auxquels les gens issus des minorités et les immigrants doivent faire face en général. »

En étudiant pour obtenir son baccalauréat en psychologie (avec distinction) à l’Université du Manitoba, Annette a réalisé dans ses cours que l’on « n’entendait pas suffisamment la voix des minorités et des immigrants ». Elle a remarqué que l’on met constamment l’accent sur les traumatismes subis par les gens et pas assez sur la résilience dont ils font preuve pour surmonter l’adversité.

« Étant assistante de recherche depuis quelques années, j’ai discuté avec des gens et j’ai réalisé qu’ils veulent que le monde sache comment ils ont réussi au lieu de raconter ce qu’ils ont subi dans le passé », explique Annette.

Bénévole polyvalente pour des organisations comme l’Immigration Partnership of Winnipeg, elle dit que c’est sa façon de redonner. « Je ne peux pas être à l’aise restant assise, sachant que cinq minutes de mon temps peuvent aider une personne. C’est ma façon d’être une voix dans un endroit où je crois qu’il en manque une ».

Malgré ses succès au cours des dernières années, Annette a tout de même été surprise lorsqu’elle a appris qu’elle avait reçu la bourse Rhodes 2019, le prestigieux prix d’études de troisième cycle de l’Université d’Oxford remis à seulement 100 étudiants dans le monde. « J’attendais juste que quelqu’un m’appelle pour me dire qu’une erreur avait été commise! »

Annette prévoit d’utiliser le prix, d’une valeur de 90 000 $ par année, pour poursuivre sa maîtrise sur les réfugiés et l’immigration forcée. Pour ce qui est de ses plans après ses études, elle envisage une carrière de psychologue clinicienne, de travailler avec les nouveaux arrivants au Canada et de se concentrer sur les voies de la résilience.

Peu importe son choix de carrière, il ne fait aucun doute qu’elle changera le discours sur les réfugiés. « Il s’agit de donner une chance aux gens et de les laisser raconter leur propre histoire », indique-t-elle. « C’est ce qui m’a aidé au secondaire, être dans un environnement qui m’a permis de prendre la parole et de me faire entendre des autres. Lorsque nous écoutons, nous comprenons que les gens sont plus que la somme de leurs traumatismes. »

Écrit par Fiona Irvine-Goulet

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