Faruque Mohammed dans le camp de Kutupalong, Cox Bazar.

Faruque Mohammed dans le camp de Kutupalong, Cox Bazar. Faruque a fondé l’école de cinéma Omar’s Film School avec son frère au début de l’année 2020. © Mohammed Kasim


L’école de cinéma cofondée par Faruque Mohammed, un réfugié rohingya, diffuse désormais des informations sur la prévention et la lutte contre le Covid-19 dans les camps de réfugiés de Cox Bazar.

Par Faruque Mohammed, à Cox Bazar, Bangladesh


Faruque Mohammed, 33 ans et réfugié rohingya, est cofondateur de l’Omar’s Film School à Cox Bazar, au Bangladesh. Cette école informelle forme de jeunes réfugiés rohingyas à la photographie et à la vidéo afin qu’ils puissent témoigner de leurs propres parcours. Depuis l’arrivée de la pandémie de Covid-19, l’école a également pour objectif d’informer la communauté réfugiée sur la prévention et la lutte contre le virus. Nous avons évoqué avec Faruque la création de l’école de cinéma et ses espoirs pour l’avenir.


Je vis dans des camps de réfugiés [à Cox Bazar] depuis 1992 – j’ai passé presque toute ma vie dans différents camps. Je ne me souviens pas comment ma propre famille a fui le Myanmar, car j’étais un petit enfant lorsque mes parents ont fui au Bangladesh.

Je n’ai étudié que jusqu’en cinquième année dans une école de camp de réfugiés. Je n’ai pas eu de véritable scolarité. Mais nous avons ressenti que nous devions apprendre l’anglais pour faire connaître au reste du monde comment nous survivons ici, quelles sont nos attentes et comment nous devons résoudre nos problèmes. Je lisais autant que possible, et je regardais des films en anglais. J’ai appris l’anglais en parlant aux étrangers et aux gens qui m’entouraient. J’ai travaillé en tant qu’enseignant dans le camp de réfugiés et j’ai parfois servi d’interprète pour le personnel des Nations Unies.

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Notre vision et notre inspiration pour créer notre future école de cinéma ont commencé en 2017 lorsque mon frère, Omar, et moi travaillions avec les médias pendant l’afflux de réfugiés rohingyas. Nous avons vu beaucoup de journalistes, beaucoup de gens sont venus avec des caméras et nous les avons approchés, en leur disant : « Je peux parler anglais, je suis un Rohingya, je connais la situation. Je peux vous aider. » Mon frère et moi avons travaillé en tant que fixeurs pour de nombreuses organisations internationales de presse.

Omar a beaucoup travaillé avec les photojournalistes de Reuters et sa passion pour la photographie et la vidéo n’a cessé de croître. Il a commencé à apprendre grâce aux personnes avec qui il travaillait, et Reuters lui a également accordé un appareil photo pour prendre des photos en l’absence de ses employés. Nous avons également appris par nous-mêmes en visionnant des vidéos sur Youtube, puis nous avons suivi des formations en ligne auprès de photographes internationaux.

Nous aidions les Rohingyas à s’installer dans le camp et servions également d’interprètes pour les interviews des médias. Je me présentais et disais : « Je suis un Rohingya, je suis votre frère, je suis votre fils. » Ils exprimaient alors leur réelle souffrance. C’était une émotion ressentie plus profondément qu’ils exprimaient [en rohingya] par rapport à ce qu’ils pouvaient dire en anglais.

Ce que j’ai ressenti et compris, c’est que si un Rohingya transmet un message à un autre Rohingya, c’est très facile pour eux de le comprendre ; c’est très convaincant. L’idée était que les Rohingyas délivrent des messages aux Rohingyas, pour les Rohingyas. C’est ainsi que nous avons imaginé notre école de cinéma pour eux.

Notre objectif est de devenir la principale plateforme dans les camps de réfugiés, travaillant « pour les réfugiés par des réfugiés ». En faisant connaître la culture rohingya via des photos, des vidéos et des publications sur les médias sociaux, nous préservons notre patrimoine et augmentons la sensibilisation auprès du grand public. Nous voulons documenter notre vie quotidienne, mais aussi nos luttes.

En mars 2020, le premier patient positif au Covid-19 a été identifié au Bangladesh. Avant cette étape, il y avait déjà des actualités à travers le monde entier sur le fait que le Covid-19 était en train de devenir une pandémie mondiale et que des gens mouraient. Nous avons eu très peur, car nous vivons dans une zone à forte densité de population. Nous n’avons pas la possibilité de pratiquer la distanciation sociale ici.

Nous avons pensé que nous devions partager les informations les plus récentes avec nos compatriotes rohingyas. Nous avons donc collecté des informations de l’OMS et nous en avons fait des vidéos. Nous avons fait notre possible pour les partager d’un téléphone mobile à un autre, et nous avons demandé aux gens de les regarder avec leurs familles.

Notre ami Usman a réalisé une vidéo et composé une chanson sur le Covid-19. Les gens l’ont bien appréciée.

Peu de temps après la création de l’école de cinéma et le début de la sensibilisation pour la prévention et la lutte contre le Covid-19, mon frère Omar est décédé brusquement. Nous ne connaissons toujours pas la cause de sa mort. Nous avons renommé l’école de cinéma Rohingya Film School en Omar’s Film School pour lui rendre hommage dans le cadre de nos activités.

Quand nous voyons que les gens regardent nos vidéos, qu’ils pratiquent la distanciation sociale grâce aux informations que nous leur avons transmises, nous sommes très fiers. Lorsque nous voyons que des jeunes, qui ont suivi une formation chez nous, prennent des photos et les publient sur Facebook, Twitter, et qu’elles sont diffusées par des médias internationaux, nous sommes vraiment fiers d’eux. Ils utilisent leur potentiel, leurs compétences.

J’espère qu’un jour, nous pourrons retourner dans notre pays dans la sécurité et la dignité, et que nous ne serons plus victimes de discrimination fondée sur notre identité religieuse et raciale. Nous pourrons vivre en paix et contribuer au développement de notre pays.

Je veux travailler dans le secteur de l’aide sociale au Myanmar et promouvoir la paix entre les communautés.

Publié par le HCR, le 17 mai 2021.

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