Des jeunes vénézuéliens membres du club de baseball de Los Astros lors d’une séance d’entrainement dans un parc situé dans le district de San Juan de Lurigancho au nord de Lima, au Pérou. © HCR/Nicolo Filippo Rosso

Un club de baseball à Lima offre une seconde chance à des jeunes vénézuéliens rêvant de devenir des professionnels un jour.

Par Jenny Barchfield à Lima, au Pérou  |  06 avril 2023



Lorsqu’en 2019 le jeune Javier Alejandro Enrique, âgé de 8 ans, a appris que sa famille devait quitter leur Venezuela natal, il a su tout de suite ce qui lui manquerait le plus. Ce n’était pas l’école, ni les amis du quartier, ni même ses cousins et ses grands-parents. C’était le baseball.


La famille de Javier était sur le point de s’envoler pour le Pérou qui accueille près de 1,5 million sur les quelque 7,1 millions de réfugiés et migrants vénézuéliens ayant fui leur pays ces dernières années.

Mais, pour Javier, le choix du Pérou par ses parents était une catastrophe. En effet, la nation andine est obnubilée par le football tandis que le baseball, passe-temps national au Venezuela et sport préféré de Javier, est totalement inconnu là-bas.

« J’étais très triste car je pensais ne plus jamais pouvoir jouer », déclare Javier, aujourd’hui âgé de 11 ans, qui a démarré le baseball à l’âge de 3 ans et a longtemps rêvé d’en faire son métier plus tard.

« J’étais le meilleur », se souvient-il, avec un sourire timide.

Après leur installation à Lima, capitale du Pérou, Javier n’avait pas d’équipe pour s’entrainer et le confinement lié à la pandémie de COVID-19 l’empêchait même de sortir pour jouer à la balle tout seul. Ses talents pointus se sont émoussés, et son moral a dégringolé.

C’est seulement mi-2021 quand sa mère a entendu parler de Los Astros, un club de baseball pour jeunes situé dans le quartier de San Juan de Lurigancho, à l’est de Lima, que les choses ont commencé à s’améliorer pour Javier.

« J’étais très excité parce que j’allais pouvoir jouer à nouveau et faire beaucoup de progrès », confie-t-il. L’exaltation de Javier est partagée par la cinquantaine d’enfants, des tout-petits aux adolescents, inscrits au club Los Astros, explique le coach Juan Carlos Urquilla, lanceur de 37 ans originaire de la ville de Valencia au nord du Venezuela.

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Javier Alejandro Enrique, 11 ans, était obsédé par le baseball quand il était gamin au Venezuela, et il a été exalté quand il a découvert le club Los Astros deux ans après son installation à Lima. © HCR/Nicolo Filippo Rosso
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Des joueurs exercent leurs talents de lanceur dans le parc du district de San Juan de Lurigancho situé au nord de Lima, au Pérou, où le club Los Astros s’entraine. © HCR/Nicolo Filippo Rosso
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Les joueurs du club Los Astros s’exercent au lancer pendant un entrainement. © HCR/Nicolo Filippo Rosso

Le club – qui reçoit des tenues, des équipements et d’autres soutiens du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés – a démarré ses activités en 2020 pendant la pandémie de COVID-19, après qu’un autre vénézuélien vivant à Lima commence à emmener son fils au parc pour jouer au baseball. Des compatriotes ont commencé à se joindre à eux et le père a créé un petit club d’entrainement. Los Astros a grandi grâce au bouche-à-oreille et à des posts sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, des dizaines d’enfants participent, moyennant le paiement d’une petite somme mensuelle pour s’entrainer quotidiennement, explique le coach Juan Carlos.

Si la grande majorité des membres du club sont vénézuéliens, quelques enfants péruviens se sont inscrits, curieux de découvrir ce sport jusqu’alors inconnu.

« Nous avons remarqué qu’ils apprenaient vraiment vite », déclare Juan Carlos à propos des joueurs péruviens.

De nombreux vénézuéliens ont dû reprendre les bases, en même temps que leurs camarades péruviens. Entre l’interruption causée par l’exil et les multiples confinements liés à la crise sanitaire, même ceux qui étaient obnubilés par le baseball dans leur pays d’origine étaient « un peu rouillés » et avaient besoin d’être « dépoussiérés », explique Juan Carlos. Mais maintenant qu’ils ont retrouvé la forme, il nourrit de hautes ambitions pour les joueurs et ceux-ci partagent ses grands espoirs.

Voir leurs progrès « constitue, pour moi, une véritable réussite », dit-il, en ajoutant « Si Dieu le veut, certains d’entre eux pourront signer un contrat avec une équipe professionnelle et faire carrière dans les plus grandes ligues ».

« C’est quelque chose qui coule dans mes veines. »

Juan Carlos lui-même est arrivé après avoir été à deux doigts de signer des contrats avec des équipes professionnelles à plusieurs occasions au Venezuela. Comme le petit Javier, il craignait que ses jours en tant que joueur de baseball soient derrière lui une fois avoir pris la décision déchirante de quitter son pays. Le fait de devenir coach pour le club Los Astros lui a rendu son rêve. Son budget est serré, mais en partageant un logement avec les autres entraîneurs du club il arrive à joindre les deux bouts tout en passant ses journées à faire ce qu’il aime : jouer et enseigner le baseball.

« C’est quelque chose qui coule dans mes veines, et j’essaie de leur transmettre ma passion pour le sport », déclare-t-il. « J’aime enseigner et j’essaie d’inculquer aux jeunes les valeurs de discipline et de responsabilité ».

Et peu importe si le sport s’avère être une option viable de carrière pour de nombreux jeunes joueurs, Juan Carlos explique que le simple fait de pouvoir aller sur un terrain de baseball est un cadeau du ciel qui permet d’apporter une part de chez eux à leur pays d’adoption. « Quand vous venez, comme nous, d’un pays avec une culture différente, trouver [dans votre pays d’adoption] quelque chose que vous aimez, quelque chose qui vous passionne et pouvoir le pratiquer, cela les remplit d’un sentiment de paix et de calme », conclut Juan Carlos.

Publie par le HCR, le 06 avril 2023.

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