Bakar, 13 ans, Momad, 17 ans, et Abdala, 15 ans (de gauche à droite).

Bakar, 13 ans, Momad, 17 ans, et Abdala, 15 ans (de gauche à droite) ont fui les récentes violences dans le nord du Mozambique. © HCR/Martim Gray Pereira


Séparés de leurs familles et loin de chez eux après les attaques de groupes armés contre leur ville, trois jeunes amis tentent seuls de trouver de la nourriture et un abri, et ils craignent pour leur avenir.

Par Francesca Fontanini à Montepuez, Mozambique 


Début avril, dans la matinée, les amis Bakar, 13 ans, Momad, 12 ans, et Abdala, 15 ans, vendaient des bananes et des pans de tissu de couleur vive appelé capulana sur le marché principal de Mocimboa da praia – une ville portuaire animée de la côte nord du Mozambique – comme ils le faisaient souvent pour gagner un peu d’argent avant d’aller à l’école l’après-midi.


Tout d’un coup, les trois amis ont entendu une grande clameur et ont remarqué des gens qui couraient entre les étals du marché. Ils ont rapidement compris que la ville subissait une attaque de groupes armés, car ils avaient déjà été confrontés à des faits similaires ces quatre dernières années, au cours desquelles des civils avaient été tués, et des bâtiments et des infrastructures avaient été détruits.

« Au début, j’ai pensé qu’une bombe avait explosé sur le marché, car les gens couraient dans toutes les directions, sautant au-dessus des stands, [répandant] des fruits et des légumes par terre. C’était le chaos total », a expliqué Bakar. « Je n’arrivais pas à trouver une sortie pour fuir, et ces personnes malfaisantes s’en prennent d’abord aux garçons en bonne santé pour les [recruter] dans des activités criminelles. »

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Ils n’ont pas pu retourner auprès de leurs familles à cause de cette situation de chaos. Les trois amis ont alors rejoint la foule qui fuyait la ville, avant d’entamer un dangereux périple de plusieurs centaines de kilomètres à pied et en bus jusqu’à Montepuez, la deuxième ville de la province de Cabo Delgado au Mozambique.

« C’était le chaos total. »

Les attaques et violences récurrentes perpétrées par des groupes armés non étatiques dans le nord du Mozambique depuis octobre 2017 ont déjà contraint près de 700 000 personnes à quitter leur foyer. Ces déplacés internes se trouvent actuellement dans les provinces de Cabo Delgado, Niassa, Nampula, Sofala et Zambezia.

Outre les femmes et les personnes âgées, une proportion importante des personnes déplacées sont des enfants. Beaucoup ont été témoins de niveaux de violence traumatisants et sont souvent non accompagnés ou séparés de leurs familles. Par conséquent, ils sont confrontés à de graves risques, notamment le travail des enfants et le recrutement forcé par des groupes armés pour les adolescents et les abus sexuels, le mariage des enfants et les grossesses précoces pour les jeunes filles.

Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, travaille sur le terrain avec ses partenaires pour identifier les enfants non accompagnés, répondre à leurs besoins spécifiques en matière de protection et les réunir avec leur famille aussi rapidement que possible.

« La protection des jeunes, filles et des garçons, qui sont des déplacés internes à Cabo Delgado devrait être au cœur du programme gouvernemental pour la protection des civils », a déclaré Sam Chakwera, représentant du HCR au Mozambique. « L’accès aux prestations de protection et aux services essentiels pour les femmes et les enfants déplacés doit également être assuré. »

Les trois amis rient ensemble.

Les trois amis partagent un moment de détente au site de déplacés de Ndele à Montepuez, au Mozambique. © HCR/Martim Gray Pereira

Après plusieurs jours de voyage sans nourriture, les trois garçons épuisés sont arrivés à Montepuez. Depuis deux semaines, ils sont hébergés sur le site de déplacés de Ntele, ouvert par le gouvernement en décembre 2020 pour accueillir les personnes originaires d’autres districts de Cabo Delgado. Actuellement 2600 personnes y sont hébergées, mais avec seulement 80 abris en bambou et en boue construits par les résidents eux-mêmes, beaucoup – dont les trois garçons – sont obligés de dormir en plein air.

« Dieu merci, il y a une rivière où nous pouvons nous baigner, car il n’y a pas d’eau dans le camp [et] le puits le plus proche est à 30 minutes de marche », a déclaré Abdala.

A Mocimboa da praia, les trois garçons étaient scolarisés et rêvaient de devenir médecins ou enseignants. Comme l’école la plus proche se trouve aujourd’hui à près de deux heures de marche, leur éducation est donc en suspens car ils doivent passer leur journée à rechercher de quoi manger et un meilleur endroit pour dormir.

La population déplacée a d’urgence besoin d’articles de première nécessité, comme des matelas, des couvertures et des bâches.

Alors que le HCR tente de réunir les adolescents avec leurs familles, tous les trois disent qu’ils ont toujours très peur de retourner à Mocimboa da praia malgré la situation difficile dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui.

« Cette guerre est sans fin. Nous vivons constamment dans la terreur depuis trois ans déjà, et des enfants continuent de fuir leurs foyers, d’être séparés de leurs familles et d’abandonner l’école », a déclaré Momad. « C’est difficile de penser à l’avenir dans ces circonstances, quand vous ne savez même pas où vous serez le lendemain. »

Publié par le HCR, le 4 mai 2021.

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