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Entrevues et reportages avec des personnes réfugiées ou demandant l’asile

La façon de concevoir des histoires et des images ainsi que le langage utilisé dans les reportages sur les problématiques relatives à l’asile ont un impact déterminant sur la perception du public. Des inexactitudes dans les reportages peuvent poser des risques importants pour la sécurité et le bien-être des demandeurs d’asile et des personnes réfugiées, ainsi que pour leurs proches dans leur pays d’origine.

Contextualiser l’histoire

Les reportages concernant les demandeurs d’asile et les personnes réfugiées s’avèrent être un exercice délicat. Le choix des mots, des images et des données statistiques n’est pas toujours évident. Le dévoilement de leur histoire personnelle peut faire courir des risques au demandeur d’asile, en plus d’influencer la compréhension et les réactions du public.

À chacune des étapes du processus de demande d’asile, toute information partagée avec les médias peut être utilisée dans le cadre du processus de reconnaissance du statut du réfugié. Les personnes concernées ne sont souvent pas conscientes de cette situation, et doivent donc être tenues au courant avant la publication d’un reportage.

La personne réfugiée typique n’existe pas
Comme les persécutions peuvent toucher des personnes de tous les horizons, les demandeurs d’asile ont des profils socioéconomiques et académiques très variés. Les personnes réfugiées contactées pour une entrevue peuvent être à différentes étapes de la demande d’asile et toutes ne passent pas par le même processus. Pour connaître le processus d’asile au Canada, vous pouvez consulter ce document.
La perception du rôle du journaliste
Il est important de comprendre que la perception des journalistes et leur rôle dans la société est différente à travers le monde. Certains demandeurs d’asile viennent de pays où les médias sont strictement contrôlés par le gouvernement, et il se peut qu’il y ait une incompréhension quant au fonctionnement du journalisme au Québec ou au Canada.
Couverture médiatique
Comme dit plus haut, le partage de l’histoire des personnes réfugiées n’est pas sans conséquences, à la fois pour leur demande d’asile, mais aussi potentiellement pour leurs proches restés dans le pays d’origine, en raison de la circulation de l’information sur internet. L’enregistrement, la prise de photos ou de vidéos, et la révélation de l’identité réelle peuvent dès lors être des multiplicateurs de risques pour les personnes réfugiées, qu’elles en aient ou non conscience.

Pour ces mêmes raisons, et étant donné que chaque média a ses propres procédures concernant l’anonymisation des personnes interviewées, une discussion éditoriale devrait systématiquement prendre place lorsqu’il s’agit de partager des informations liées à l’identité des personnes réfugiées. Une telle discussion permet de mitiger les risques potentiels de représailles pour les personnes réfugiées et leurs proches restés dans leur pays d’origine.

Étapes pour une entrevue éthique et efficace

Les entrevues et les conversations avec des personnes qui ont fui la persécution peuvent causer un stress émotionnel, particulièrement si les personnes interviewées n’ont pas été préparées pour discuter des traumatismes du passé. Les professionnels en contact avec les demandeurs d’asile, comme les travailleurs sociaux, peuvent être des ressources utiles pour la réalisation de ces entrevues, ou encore pour l’obtention d’informations sur la réalité des demandeurs d’asile.

Les personnes réfugiées et les demandeurs d’asile n’ont aucune obligation de partager leur vécu avec les médias et leur participation se fait donc sur une base complètement volontaire. Dans ce sens, les personnes interviewées peuvent retirer leur consentement à tout moment avant, durant et après l’entrevue jusqu’à la publication du reportage.

Il faut donc s’assurer à chaque étape que la personne donne un consentement éclairé. Une bonne pratique à envisager pour éviter le retrait du consentement serait de contacter au préalable le conseil de la personne demandant l’asile pour s’assurer que la publication de l’entrevue ne nuira pas à sa demande.

Il est également important, pour s’assurer du consentement éclairé, de notifier la personne interviewée que le reportage pourra potentiellement être traduit en plusieurs langues et, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, être relayé à l’international, y compris dans le pays d’origine de la personne réfugiée. Ce facteur peut être déterminant dans le choix des personnes réfugiées d’accorder ou non leur consentement, puisque cela peut potentiellement affecter leur sécurité et celle de leurs proches restés dans leur pays d’origine.

Les personnes réfugiées et les demandeurs d’asile ont souvent vécu des événements traumatisants qui peuvent être difficiles à relater. Il existe plusieurs stratégies pour éviter de retraumatiser les personnes interviewées:

  • Accorder des pauses lorsque l’entrevue touche à ces moments traumatisants;
  • Ne pas insister pour obtenir des détails des violences subies;
  • Respecter la vie privée des personnes interviewées;
  • S’assurer que la personne a accès à un soutien psychologique, ou lui fournir (si le besoin s’en fait ressentir lors de l’entrevue) un contact d’un travailleur social ou d’un psychologue dans sa région.

Cette liste est non-exhaustive et est à titre indicatif: toutes les personnes ne vivent pas le trauma de la même façon, et certaines sont plus à même de cacher leurs émotions lorsque vient le moment d’en parler.

Ces événements traumatisants peuvent s’avérer difficiles à entendre pour les journalistes et les interprètes qui les accompagnent. La santé mentale de toutes les personnes impliquées dans ce type d’entrevue doit être priorisée et certaines bonnes pratiques peuvent mitiger les risques d’impacts négatifs sur celle-ci:

  • Réaliser une pré-entrevue, pour se faire une idée plus ou moins précise des événements qui vont être racontés afin de s’y préparer;
  • S’assurer que l’écoute du récit de certaines violences ne risque pas de (re)traumatiser;

Dans les cas où il y a recours à un interprète:

  • Il faut s’assurer que l’interprète est à l’aise à traduire ce type de récits: parfois les interprètes sont issus de la même communauté culturelle que la personne interviewée, et il peut exister certains tabous concernant les violences basées sur le genre ou concernant les personnes réfugiées persécutées sur la base de leur orientation sexuelle ou ayant une identité ou une expression de genre (OSIGEG) qui n’est pas socialement acceptée;
  • Dans des cas de violences basées sur le genre ou de personnes persécutées sur la base de leur OSIGEG, il convient de demander si la personne interviewée a une préférence pour le genre de l’interprète (noter que cette personne peut également avoir une préférence pour le genre du/de la journaliste).
Les images photographiques et les séquences vidéo jouent un rôle important dans la narration. Ils aident à favoriser une meilleure compréhension grâce au langage commun des médias visuels. Il est crucial de faire particulièrement attention à la sélection de photos et de matériel visuel qui accompagnent les histoires sur les réfugiés et les demandeurs d’asile.

Les images que nous utilisons pour représenter ces communautés OSIGEG peuvent façonner la perception et la compréhension du public, ce qui peut avoir un impact important sur leur vie. Il est essentiel de veiller à ce que le matériel visuel que nous choisissons reflète fidèlement les expériences des personnes réfugiées et des demandeurs d’asile, respecte leur dignité et évite de perpétuer des stéréotypes préjudiciables.

Par exemple, lorsqu’une histoire traite du droit d’asile en employant une perspective des droits humains, si la photo ou la vidéo qui l’accompagne ne dépeint que les interactions des demandeurs d’asile avec les policiers, elle peut renforcer les attitudes qui associent l’asile à une activité illégale.

Assurez-vous de bien décrire les photos et évitez toute manipulation des photos contraire à l’éthique, par exemple en recadrant des éléments significatifs.
Usez de prudence dans la publication d’images qui peuvent identifier des personnes vulnérables, en particulier des enfants. Les personnes qui fuient la persécution, la violence conjugale, celle fondée sur le sexe et la violence des gangs criminalisés peuvent être menacées si on révèle l’endroit où ils se trouvent.
En cas de doute sur l’utilisation des images, parlez aux personnes représentées, en vous assurant que vous avez obtenu leur permission pour l’utilisation de l’image ou de la séquence dans les produits numériques ou la télévision.

Lorsqu’on photographie ou filme des personnes réfugiées et des demandeurs d’asile, il est important d’obtenir d’abord leur consentement éclairé. Le consentement éclairé signifie que la personne photographiée comprend parfaitement à quoi servira la photo et accepte qu’on la prenne.
Les personnes réfugiées et les demandeurs d’asile peuvent avoir déjà vécu des traumatismes et des situations difficiles dans leur vie. Se faire photographier sans leur permission peut les mettre mal à l’aise, les violenter ou même les retraumatiser. La recherche d’un consentement éclairé respecte leur dignité et leur donne le contrôle de leur propre image.

Il ne suffit pas de demander à quelqu’un si on peut prendre sa photo ou utiliser son nom. Il est important de s’assurer que la personne est compétente et comprend ce à quoi elle consent (par exemple, s’assurer que le consentement est demandé dans un langage simple, de préférence dans la langue maternelle de la personne). Il doit également être clair que la personne consent volontairement sur la base de renseignements suffisants pour prendre une décision (par exemple, elle sait à quoi serviront les renseignements, leurs influences sur leur processus d’asile. La personne doit savoir qu’il n’y aura aucune conséquence en cas de refus).
Les demandeurs d’asile et les réfugiés ont droit au respect de leur vie privée.

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