Avec des hommes armés à ses trousses, Omid Ahmadi, un jeune journaliste de 17 ans, a fui Kaboul sans dire au revoir à sa famille. Il vit désormais dans un lieu en sécurité et il nous fait le récit de son voyage avec ses propres mots.
Bad Fallingbostel, Allemagne – Nous croyons que l’eau est la vie, mais elle signifie parfois le contraire: la mort. J’y ai beaucoup pensé quand j’ai vu la mort en face au milieu des eaux démontées et meurtrières entre la Turquie et la Grèce, là où des centaines de personnes sont mortes.
Lorsque vous êtes dans ces eaux pendant des heures, sans savoir si vous allez survivre, tout ce à quoi vous vous raccrochez, c’est l’espoir. Nous, les humains, nous ne pouvons pas vivre une seconde sans espoir.
Le bateau qui nous a transportés depuis la Turquie vers la Grèce était un canot pneumatique. Les vagues étaient hautes et le bateau est tombé en panne peu près le départ. Quand nous avons vu des embarcations de secours arriver depuis la Grèce, tout le monde a commencé à crier : « Dieu merci, Dieu merci ». Nous avions demandé de l’aide et, quand ils sont arrivés, je suis tombé en larmes et je n’ai pas pu leur dire « merci ».
Quand on est descendus du bateau, des personnes nous ont donné de la nourriture, du thé, des pantalons et des chaussettes. Elles étaient du HCR.
Nous savons que chaque pays a ses propres règles alors quand j’étais en Grèce, j’ai fait de mon mieux pour obéir aux règlements. Pendant près de trois mois, j’ai vécu dans un camp militaire.
J’ai essayé de donner ce que je pouvais, de faire sourire les gens. J’ai aidé avec des traductions par haut-parleur en pachto, en farsi et en ourdou. J’ai travaillé dans un grand entrepôt avec des soldats grecs, pour distribuer des articles de secours comme du savon, du shampoing et du dentifrice, ainsi que des matelas, des oreillers et des couvertures.
Pour moi, l’activité la plus mémorable a été l’enseignement de l’anglais à des jeunes filles et des femmes. Je l’ai fait gratuitement, juste pour les aider. Quand j’ai vu qu’elles voulaient apprendre quelque chose dans l’océan de la connaissance, je n’ai pas pu me retenir. L’une des personnes en charge du camp nous a fourni une salle de classe.
Nous avons semé des graines d’amour, de sympathie, de sensibilité et d’acceptation dans un environnement très paisible.
J’ai beaucoup appris de mes élèves quand je corrigeais leurs erreurs. Personne n’est parfait dans le domaine de la connaissance. Nous avons semé des graines d’amour, de sympathie, de sensibilité et d’acceptation dans un environnement très paisible.
Jour après jour, cependant, le temps était plus chaud et il était difficile de vivre dans une tente. De plus, il était temps pour moi de passer la frontière et de retrouver mes proches qui étaient en Allemagne.
Ce fut plus difficile qu’on pouvait le penser. Depuis la Grèce, je suis passé via la Macédoine, la Serbie et la Hongrie. Traverser les frontières de ces pays a été difficile. Marcher dans les forêts était difficile. En plus de l’épuisement, on était sans nourriture, ni eau et ni premiers secours. C’était tout simplement dangereux.
Il n’y avait ni toilettes ni douches. Les familles avaient des tentes, mais je dormais en plein air.
Enfin, je suis arrivé à la frontière entre la Serbie et la Hongrie et je me suis retrouvé dans un champ avec d’autres, pour la plupart des Afghans, en attendant de traverser la frontière légalement. J’y suis resté pendant 18 jours. Faire face à tout cela, rester patient et déterminé pour atteindre vos objectifs exige du courage et de l’endurance.
Il n’y avait ni toilettes ni douches. Les familles avaient des tentes, mais je dormais en plein air. A Kaboul, j’ai vu des conditions comme ça quand je faisais des reportages sur la pauvreté et les sans-abri. Maintenant, je suis dans cette situation moi aussi.
J’ai commencé à perdre espoir. Je me suis demandé: « Pourquoi avons-nous cette vie? » Dans les larmes, je chantais une chanson qui dit: «Je me demande, quel genre de courage Dieu avait-il. » Je ressentais alors la pleine signification de la douleur, du manque d’abri et du chagrin.
Voici l’histoire abrégée d’un journaliste afghan, qui avait des espoirs de paix et de démocratie dans son pays, et qui écrit depuis un lieu en sécurité en Allemagne.
* Cet article a été écrit avec l’aide de Helen Womack, journaliste contributeur au HCR
Helen ajoute:
Omid Ahmadi était proche du désespoir quand je l’ai rencontré. Il attendait dans l’une des zones de transit à la frontière entre la Serbie et la Hongrie. Cet étudiant en journalisme âgé de 17 ans avait fui les talibans dans son pays natal, l’Afghanistan, et il a fait le voyage périlleux depuis la Turquie, pour se retrouver assis dans un champ, incertain de pouvoir continuer son voyage ou s’il allait enfin se terminer.
A Kaboul, Omid a travaillé pour une agence de presse indépendante, Neda-e-Agah (Sound of Awareness). Il faisait partie d’un groupe de journalistes qui ont fait des articles sur le retour des talibans dans la province de Koundouz. Après cela, des combattants talibans sont venus à son domicile, ont placé un pistolet en joue sur la tête de son père et ont saccagé la maison. Heureusement, il était absent ce jour-là.
« Ma mère m’a demandé de fuir », dit-il. « Je suis parti tout seul, sans dire au revoir à ma famille. »
Dans un champ à Röszke, en Hongrie, Omid a comparé les conditions difficiles avec la vie à la maison. « J’ai eu de nombreux livres. J’ai étudié le journalisme, la psychologie et la philosophie. J’étais marié avec les études. Les études, c’est comme un arbre avec d’innombrables fruits. »
Pendant un certain temps, il lui semblait qu’il était dans une impasse et qu’il serait privé de son rêve d’aller à l’université et de devenir journaliste. Cependant, ce n’est pas le cas et il se trouve désormais dans un centre d’accueil de réfugiés à Bad Fallingbostel en Allemagne, d’où il a envoyé cet article.
Par: Omid Ahmadi