Man sitting on steps of a stairwell reading a white and blue book that says "Justice" on the cover.

Nhial Deng est un réfugié sud-soudanais, écrivain et activiste communautaire. Il a passé 11 ans dans le camp de réfugiés de Kakuma au Kenya et étudie actuellement à l’Université Huron au Canada. ©HCR/Ian Patterson

Comment un réfugié sud-soudanais né en Éthiopie a trouvé une occasion de faire des études au Canada

Par Fatou Alhya Diagne, édité par Hawa Amin-Arsala and Tamy Emma Pepin


Dès son plus jeune âge, Nhial Deng a développé une passion pour raconter des histoires alors qu’il écoutait son père lui parler de son enfance dans un petit village au bord du Nil blanc et de la Première Guerre civile soudanaise. Son père a dû fuir ce village en 1971 en raison du violent conflit et il s’est exilé en Éthiopie, où est né Nhial en 1999.

Comme la plupart des premiers-nés africains, on peut espérer de Nhial qu’il donne l’exemple et perpétue l’héritage de sa famille. Afin de remplir ce rôle, l’aspirant journaliste et activiste communautaire de 23 ans dit qu’on lui a constamment rappelé la valeur de l’éducation.

« J’ai compris que quitter ma zone de confort me permettrait de me bâtir un avenir meilleur en me consacrant à terminer mes études supérieures », dit-il.

Fuir

En 2010, le village natal de Nhial en Ethiopie, Itang, a été attaqué par une milice armée. Lorsque son père l’a réveillé, il a entendu des coups de feu et quelqu’un criait à l’extérieur. Il a rapidement mis des vêtements et une bouteille d’eau dans un sac, et a rejoint le groupe de personnes avec qui il allait fuir son pays.

« J’avais peur de quitter ma famille, mais mon père m’a rassuré en me disant que je pourrais aller à l’école au Kenya », raconte Nhial.

Après plusieurs jours de voyage éprouvant, Nhial est arrivé à Kakuma, un camp de réfugiés situé dans le nord-ouest du Kenya. Il avait alors 11 ans.

« Je ne parlais ni ne comprenais bien l’anglais, ce qui rendait les liens d’amitié difficiles», dit-il.

Nhial a éventuellement trouvé réconfort et espoir dans la salle de classe, en s’adaptant à son environnement et en développant une vision de la réalité qui guidera plus tard son travail avec les réfugiés de différents pays subsahariens.

« J’ai vite réalisé que beaucoup de mes camarades étaient lourdement traumatisés par les souvenirs de la guerre dans leur pays d’origine », explique-t-il.

Trouver sa voix

Nhial est une journaliste en herbe et une activiste communautaire. ©HCR/Ian Patterson

En 2012, Nhial crée Refugee Youth Peace Ambassadors, un espace sécuritaire pour que ses camarades de classe et lui puissent se rencontrer et échanger sur leurs expériences dans le camp.

« Je voulais que nous partagions nos histoires… comment nous sommes arrivés dans le camp, comment nous sommes devenus réfugiés ; et que nous puissions nous soutenir entre nous. Nous avons aussi parlé de nos rêves », dit-il.

Nhial s’est tourné vers les médias sociaux, déterminé à partager ces histoires au-delà du camp.

« Il y avait beaucoup d’histoires incroyables qui se passaient à Kakuma. Je me suis demandé : « Y a-t-il un moyen de partager les histoires de Kakuma avec le monde entier ? » Et puis j’ai réalisé que les médias sociaux sont un outil dont je pouvais me servir », dit-il.

Cette initiative lui a permis de se faire remarquer par le personnel des communications du HCR à Kakuma, qui écrit un article sur Nhial et fait connaître son travail sur leurs comptes de réseaux sociaux.

« Ensuite, différentes organisations ont commencé à me remarquer également. Cela m’a fait progresser en élargissant mon réseau que j’utilise maintenant pour essayer de faire avancer ma carrière et promouvoir mes histoires », explique-t-il.

À Kakuma, Nhial a fréquenté des centres numériques où il a pu peaufiner ses talents de narrateur en suivant des cours de rédaction et de reportage sur Coursera, une plateforme en ligne qui propose des ateliers et des diplômes dans de nombreux domaines.

En naviguant sur la plateforme d’apprentissage, il est tombé sur l’université de Californie à Berkeley et a décidé de postuler. Il a été accepté au College of Letters and Science.

« L’éducation est la première étape pour respecter les droits humains fondamentaux qui facilitera le développement personnel des réfugiés. »

« J’avais l’intention de me spécialiser en consolidation de la paix et de prendre une mineure en journalisme », explique Nhial. Bien qu’admis, il n’a pas pu s’inscrire, car le programme n’offrait pas d’aide financière aux étudiants internationaux. Cela n’a pas empêché Nhial de persévérer.

Aujourd’hui, il suit des cours en Études mondiales à l’université Huron de London, en Ontario. Il est arrivé au Canada en 2021 après s’être vu offrir une généreuse bourse par l’université.

« L’éducation est la première étape pour respecter les droits humains fondamentaux qui facilitera le développement personnel des réfugiés », explique Nhial.

Un défenseur de l’enseignement supérieur

©HCR/Ian Patterson

Alors que Nhial s’installe au Canada, sa volonté d’offrir des opportunités à d’autres personnes déplacées ne fait que croître.

« J’apprends maintenant à connaître les différents défis auxquels les communautés de réfugiés doivent faire face, comme la guerre, les conflits et la paix, ce qui me permet de mieux comprendre comment concevoir des solutions de qualité qui leur permettront d’accéder à l’enseignement supérieur », dit-il.

Nhial plaide pour une augmentation des programmes de bourses d’études entièrement financés pour les réfugiés.

Selon le Rapport des Tendances mondiales 2021, près de huit réfugiés sur dix vivent dans des pays en développement où l’accès aux opportunités d’études se fait rare et où, souvent, ils dépendent de l’aide humanitaire.

« Dans la plupart des camps de réfugiés, il n’y a pas d’universités, ce qui signifie que les réfugiés doivent voyager loin de leur lieu de résidence pour en fréquenter une », explique Nhial. Il ajoute que « la langue est un autre obstacle », car les réfugiés se retrouvent souvent dans des pays où l’enseignement se fait dans une langue différente de la leur.

Le Canada, un nouveau chez-soi

À London, en Ontario, une ville de 400 000 habitants nichée au cœur des Grands Lacs, Nhial a trouvé une communauté étudiante qui l’a accueilli à bras ouverts, l’aidant à développer un sentiment d’appartenance au Canada.

« Lorsque les gens fuient leurs foyers, le monde se concentre trop sur l’aspect “réfugié” de leur vie et ne tient pas compte du fait qu’il s’agit de personnes qui ont des espoirs, des talents, des rêves et des aspirations. »

« Je peux apprécier les petites choses comme le fait que quelqu’un me tienne la porte ou que j’achète ma première planche à roulettes et que je puisse m’entraîner pendant mon temps libre pour retrouver les sensations que j’aimais quand j’étais enfant », dit-il.

Nhial dit qu’il se sent chanceux d’être entouré de personnes qui ne le considèrent pas seulement comme un réfugié, mais en tant qu’être humain capable d’apporter un changement positif à la société. Il veut rallier les gouvernements, les fondations et les entreprises à travailler collectivement avec les Nations unies pour trouver des solutions à des problèmes tels que la crise des réfugiés, la guerre, les changements climatiques, les inégalités et la pauvreté.

« Lorsque les gens fuient leurs foyers, le monde se concentre trop sur l’aspect “réfugié” de leur vie et ne tient pas compte du fait qu’il s’agit de personnes qui ont des espoirs, des talents, des rêves et des aspirations », dit-il, ajoutant que les réfugiés sont des individus qui ont le potentiel de contribuer politiquement, économiquement et socialement à leur environnement.

Cette histoire est produite par UPPL et traduite de l’anglais vers le français par Cindy Laverdière.

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