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Réinstallé au Canada depuis quatre ans, un réfugié syrien qui a fui la guerre quelques années plus tôt rend un vibrant hommage aux 22 victimes de la fusillade la plus meurtrière de l’histoire du pays.

Par Emmanuelle Paciullo, UNHCR Canada

« Je ne suis jamais allé en Nouvelle-Écosse qui se trouve à 6000 km de la ville de Victoria, C.B., où j’habite. Malgré tout, j’ai été choqué et ai eu l’impression de perdre quelque chose de douloureux, comme si on s’attaquait à ma communauté, à mon pays, et la tristesse m’a aussitôt envahi. »

Le 19 avril 2020, le Canada a connu la fusillade la plus meurtrière de son histoire lorsque 22 personnes sont tombées sous les balles d’un tireur fou.

Livré à l’incompréhension, Sari Alesh n’a pu contenir son émotion face à cette nouvelle qui a laissé place à une totale consternation.

« Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je n’aurais jamais imaginé qu’une telle tragédie puisse arriver ici. »

Après quelques jours de désolation, Sari a décidé d’entreprendre ce qu’il savait le mieux faire dans sa vie, le fil conducteur qui n’a jamais connu de rupture entre sa Syrie natale et son pays d’adoption: jouer de la musique. Professionnel aguerri et respecté par ses pairs, Sari se saisit de son archet et laisse la magie opérer.

Regardez l’hommage de Sari Alesh aux victimes de la
Nouvelle-Écosse et à leurs familles


Formé à la musique classique à Damas, en Syrie, il a autrefois effectué des tournées en Europe et au Moyen‑Orient avec l’Orchestre national symphonique syrien, jouant notamment pour la célèbre chanteuse libanaise
Fairouz. La musique était omniprésente dans la vie de Sari.

Cependant, la guerre en Syrie a rapidement mis un terme à son succès et à sa carrière musicale prometteuse. En 2014, devant abandonner sa famille, il fuya la capitale syrienne et trouva refuge à Istanbul, en Turquie. En 2016, grâce à ses parrains canadiens, Sari a eu la chance de bâtir une nouvelle vie et de pouvoir jouer de la musique à nouveau.

Redonner à la communauté frappée par tant de violence s’est imposé naturellement. Une note à la fois. En accord avec lui-même, il utilise son instrument pour raconter en musique l’indicible de ce funeste récit.

Forte de sa symbolique, Sari choisit spécifiquement d’interpréter Amazing Grace”, un cantique symbolisant l’espoir qui persiste en dépit des épreuves, au rythme de cette mélodie pentatonique.

« Le sentiment d’être impuissant face à ces actes horribles était terrible. A défaut de pouvoir changer le cours des évènements, j’ai décidé d’offrir mon soutien aux familles et à la communauté affectées par ce qui m’a toujours procuré un réconfort dans les bons comme dans les mauvais moments : la musique. »

Ce vibrant hommage prend la forme d’un requiem musical qui a reçu l’écho de milliers d’inconnus, d’amateurs, de mélomanes et de citoyens sur les réseaux sociaux. Le violon est l’un des instruments les plus gratifiants et les plus beaux, qui en fait un allié réconfortant lorsque les mots manquent.

« L’hommage que j’ai rendu aux victimes néo-écossaises semble avoir été entendu. Plus de 12 000 personnes ont visionné ma capsule vidéo. J’ai reçu de nombreux remerciements et des messages d’encouragement. Cela me fait chaud au cœur car mon message de solidarité et de soutien semble avoir reçu l’écho désiré. »

La route vers la guérison collective sera longue et jalonnée d’obstacles émotionnels qui pourront trouver temporairement refuge entre deux harmonies. D’ici là, Sari a un nouveau projet, celui de prendre à bras le corps le nouvel ennemi invisible qui paralyse le pays depuis plusieurs mois : la maladie à coronavirus.

« Je pense aussi aux personnes qui mettent dorénavant leur vie en danger au quotidien pour soigner les personnes terrassées par la COVID-19. Je leur dédierai ma prochaine musique. »

“De nombreux dangers, filets et pièges
J’ai déjà traversés.
C’est la grâce qui m’a protégé jusqu’ici,
Et la grâce me mènera à bon port.”  

Paroles extraites d’Amazing Grace 

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