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Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, prononce un discours lors de la 72e réunion annuelle du Comité exécutif au Palais des Nations à Genève, en Suisse. © HCR/Mark Henley

Seuls des efforts soutenus de résolution des conflits permettront d’éviter que le nombre des personnes déracinées dans le monde ne dépasse les 100 millions, a déclaré le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, lors d’une réunion de haut niveau.

GENÈVE – Le nombre de personnes déplacées de force dans le monde dépassera les 100 millions en l’absence d’une coopération internationale plus forte pour faire face aux multiples crises qui éclatent ou s’aggravent chaque jour dans le monde, a averti le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés lors d’une réunion de haut niveau ce lundi 4 octobre 2021 au Palais des Nations à Genève.

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« Chacun d’entre nous peut voir que nous allons dans la mauvaise direction », a déclaré Filippo Grandi lors de la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR à Genève. « Tous les indicateurs nous suggèrent de coopérer afin d’éviter que ce chiffre symbolique ne soit atteint. Et pourtant, nous semblons incapables – ou peu enclins – à sortir de la voie sur laquelle nous sommes actuellement engagés. »

« Tous les indicateurs nous suggèrent de coopérer. »

Le patron du HCR a souligné comment l’incapacité à distribuer équitablement les vaccins pour enrayer la pandémie de Covid-19 a créé un monde divisé entre vaccinés et exposés, avec des conséquences désastreuses pour les personnes en marge de la société. Parmi ces laissés pour compte figurent notamment les réfugiés travaillant dans le secteur informel. Ces derniers ont en effet été les premiers à perdre leurs emplois alors que les taux de pauvreté montaient en flèche.

Dans le même temps, des décennies d’inaction mondiale face à l’urgence climatique ont eu des conséquences dramatiques pour les réfugiés, dont 90% sont originaires des pays les plus vulnérables aux effets des changements climatiques.

Par ailleurs, des conflits non maîtrisés et non résolus dans le monde entier ont entraîné un doublement, au cours de la dernière décennie, du nombre de personnes déracinées, qui a atteint le chiffre record de 82,4 millions à la fin de l’année dernière.

« Si ces tendances ne sont pas inversées par des efforts soutenus de résolution des conflits, je crains que la question ne soit pas si nous atteindrons les 100 millions de personnes déracinées, mais plutôt quand », a-t-il déclaré lors de la séance d’ouverture de la 72e session du Comité exécutif du HCR, qui se déroule jusqu’à vendredi 8 octobre 2021.

Filippo Grandi a également mis l’accent sur le sort des millions de réfugiés afghans qui ont été déracinés depuis plus de 40 ans et sur celui des personnes qui se trouvent à l’intérieur du pays et qui sont actuellement confrontées à une nouvelle incertitude. Il a souligné qu’une aide humanitaire inconditionnelle et à grande échelle doit être mobilisée dès maintenant afin d’éviter une aggravation de la crise et l’implosion des services publics et de l’économie.

« Et bien que je sois toujours très prudent dans mes prédictions concernant les mouvements de population, je pense qu’une telle détérioration provoquera presque inévitablement d’importants déplacements internes et éventuellement externes », a-t-il prévenu.

Au sujet de l’Éthiopie, Filippo Grandi a prévenu que si les parties au conflit n’abandonnent pas une confrontation militaire inutile et dévastatrice en faveur de négociations politiques, la crise humanitaire au Tigré et dans d’autres régions deviendra incontrôlable, avec davantage de déplacements forcés à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il a également évoqué le contexte difficile dans lequel travaille le personnel humanitaire, confronté à des obstacles croissants et à des difficultés inacceptables, comme le démontre la récente expulsion du personnel humanitaire du pays.

Face à l’augmentation des déplacements forcés, le Haut Commissaire a interpellé les nations les plus puissantes de certaines régions du monde qui, plutôt que d’offrir un refuge à ceux qui fuient des guerres dont ils ne sont pas responsables, bâtissent des murs, refoulent violemment, refusent de secourir les personnes en détresse en mer et mettent en place des lois de plus en plus restrictives.

Filippo Grandi a rappelé que les propositions visant à externaliser ou à sous-traiter les obligations en matière d’asile à d’autres pays constituaient une violation fondamentale des engagements de base en matière de partage des responsabilités. Il a également souligné une tendance inquiétante où certains États encouragent les réfugiés et les migrants à se déplacer vers d’autres pays par des moyens dangereux à des fins purement politiques, sans lien avec leurs besoins de protection.

« Des frontières bien gérées et l’accès à l’asile ne sont pas incompatibles, bien au contraire », a-t-il souligné. « Une bonne gestion des frontières n’empêche pas un examen équitable et rapide des demandes d’asile. Elle n’empêche pas non plus que les personnes ayant besoin d’une protection internationale soient admises et aidées. »

Malgré des perspectives mondiales difficiles, Filippo Grandi a relevé les progrès accomplis dans le soutien aux efforts de paix au Soudan du sud et au Soudan, sous la direction des deux gouvernements et de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Avec le soutien de la Banque mondiale, des solutions sont en cours de recherche pour plus de sept millions de réfugiés et de personnes déplacées à l’intérieur des deux pays.

Des efforts de coopération ont également permis de créer des solutions temporaires pour des millions de vénézuéliens déracinés. Filippo Grandi a souligné le rôle « exemplaire » de la Colombie qui a accordé un statut de protection temporaire à plus de 1,7 million de vénézuéliens, leur permettant de séjourner, de travailler et d’accéder à des services sociaux tels que l’éducation et la santé. Cette initiative, qui permet également aux personnes déplacées de contribuer au développement du pays qui les accueille, est suivie par d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes, a-t-il déclaré.

« Si nous travaillons ensemble avec courage et humilité, et dans un véritable esprit de solidarité… alors nous avons une chance de réussir. »

Le Haut Commissaire a également souligné les progrès qui découlent du Pacte mondial sur les réfugiés et du Forum mondial sur les réfugiés de décembre 2019, où plus de 1 400 engagements ont débouché sur des politiques et des investissements de sources publiques et privées.

« Ces investissements ont amélioré les conditions de vie non seulement des réfugiés, en particulier dans les crises prolongées, mais également celles des communautés d’accueil, en contribuant souvent à développer des zones reculées et à investir dans des infrastructures qui resteront en place même après le retour des réfugiés chez eux », a précisé Filippo Grandi.

Bien que le monde soit confronté à des défis terrifiants, Filippo Grandi a exhorté les délégués à ne pas perdre espoir, mais à s’inspirer du courage et de la résilience dont font continuellement preuve les personnes déracinées.

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« Les athlètes réfugiés qui ont triomphé face à toute adversité aux Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo en août dernier sont des exemples vivants de la raison pour laquelle nous ne devons pas abandonner. Ils nous montrent pourquoi nous devons relever le défi du déplacement forcé – et tous les autres défis mondiaux – avec patience, persévérance et détermination », a-t-il rappelé.

« Aucun parmi nous ne peut y parvenir seul. Mais si nous travaillons ensemble – ensemble ! – avec courage et humilité, et dans un véritable esprit de solidarité, en plaçant le bien commun avant les considérations individuelles et nationales, alors nous avons une chance de réussir. »

Publié par la HCR, le 04 octobre 2021

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