Mustafa Alio, directeur général de Jumpstart Refugee Talent et membre du Conseil consultatif du HCR Canada, est photographié à Toronto, le mercredi 5 août 2020

Mustafa Alio, directeur général de Jumpstart Refugee Talent est photographié à Toronto, le mercredi 5 août 2020. © HCR / Chris Young

De Susan Pedwell

Vivant au Canada, Mustafa Alio n’aurait jamais imaginé qu’il deviendrait un jour réfugié.

En 2007, Mustafa a quitté la Syrie et est arrivé comme étudiant international. Lorsque la guerre civile a éclaté en Syrie en 2011, il n’a pas pu rentrer dans son pays, car il y aurait été torturé et probablement tué.

« J’avais prévu de retourner en Syrie, car lorsque je suis arrivé à Toronto, je ne connaissais personne et ne parlais pas un mot d’anglais », explique Mustafa, aujourd’hui âgé de 36 ans. Il s’est rapidement inscrit à un cours de langue et, pour subvenir à ses besoins, le seul travail qu’il ait trouvé était de nettoyer les toilettes. Mustafa essayait de ne pas trop s’appesantir sur la vie rêvée qu’il avait menée avant en Syrie.

Lorsqu’il avait 19 ans, il était l’un des employés les plus jeunes de Syriatel, une entreprise spécialisée dans la technologie qui employait alors 3600 personnes, et dans laquelle il grimpait rapidement les échelons. À l’âge de 23 ans, non seulement il gagnait déjà un excellent salaire, mais la société lui avait aussi fourni deux objets de luxe très convoités : une voiture et un téléphone cellulaire.

En outre, il habitait à Latakia, une ville balnéaire en Syrie où les gens viennent faire la fête. En dehors de son travail et de ses études de commerce, il jouait au basketball, fréquentait les boîtes de nuit avec ses amis de toujours, ou allait se baigner dans la mer Méditerranée.

« J’avais prévu de retourner en Syrie, car lorsque je suis arrivé à Toronto, je ne connaissais personne et ne parlais pas un mot d’anglais »

Mais Mustafa souhaitait poursuivre ses études à l’étranger. C’est un programme d’enseignement universitaire supérieur en marketing et services financiers à Toronto qui retint son attention, et il obtint son diplôme tout en faisant des petits boulots à côté. « Lorsque j’ai décroché un poste comme conseiller financier dans une grande banque en 2010, ma vie au Canada a commencé à s’améliorer. J’ai donc fait ma demande de résidence permanente. »

Toutefois, le 15 mars 2011, un événement inattendu s’est produit dans son pays : la guerre civile venait d’éclater. Comme des milliers de jeunes activistes en Syrie, Mustafa a commencé à afficher son soutien pour les forces révolutionnaires sur Internet. Des menaces s’en sont suivies quasiment immédiatement. « J’ai commencé à recevoir des appels téléphoniques », se souvient-il. « La voix à l’autre bout du fil m’avertissait : “Ne t’avise pas de revenir.” »

L’année suivante, sa demande de résidence permanente a été rejetée par Immigration Canada, car il lui manquait deux points. « Je ne pouvais pas retourner en Syrie », se rappelle-t-il, « mais le Canada ne voulait pas de moi non plus. »

Après avoir déposé une demande d’asile politique au Canada, Mustafa est devenu demandeur du statut de réfugié. Les rendez-vous chez son avocat, les audiences au tribunal et les retards multiples marquaient désormais son quotidien. « Cela a eu un coût financier, mais aussi un coût psychologique, car je vivais constamment dans l’attente », dit-il.

En 2014, Mustafa a obtenu l’asile et a commencé à « se faire l’ambassadeur » de son nouveau pays. Afin d’aider les nouveaux arrivants, il est ainsi devenu co-fondateur de la Syrian Canadian Foundation. Il a également lancé conjointement le programme Jumpstart Refugee Talent qui s’est depuis étendu à Vancouver et Calgary. Aujourd’hui directeur général de ce programme, il s’efforce d’aider les réfugiés nouvellement arrivés à trouver un emploi valorisant ainsi que des débouchés en tant qu’entrepreneurs.

« Des études ont permis de montrer que les réfugiés ne sont pas un poids financier pour la société »

En 2017, sa mère, deux sœurs et un neveu sont arrivés à Toronto grâce à un programme de parrainage privé. Mais un membre important de sa famille manquait encore à l’appel : son père. Celui-ci avait décidé de rester en Syrie pour veiller sur la sécurité d’autres membres de la famille. Mais quelques semaines avant que M. Alio rejoigne les siens à Toronto, le stress qu’il avait éprouvé en tentant de protéger sa famille des atrocités de la guerre le fit succomber à une crise cardiaque. Et Mustafa eut le cœur brisé de ne pas avoir pu revoir son père avant son décès.

Aujourd’hui, la mère de Mustafa s’efforce de renouer avec son fils unique. « Je ne suis plus du tout la même personne que lorsque j’étais en Syrie », explique Mustafa devenu résident permanent en 2018. « Avant, ma vie tournait autour des préoccupations financières et de ma carrière, mais aujourd’hui je suis une personne engagée. Je m’efforce d’avoir un impact positif dans la vie des gens. »

Il a travaillé avec le HCR Canada pour afin de faire connaître sa mission, aider les réfugiés à accéder à l’emploi et à changer l’opinion publique vis-à-vis des nouveaux arrivants en adoptant une approche économique. « Des études ont permis de montrer que les réfugiés ne sont pas un poids financier pour la société », explique-t-il. « Sur le plan économique, les réfugiés redonnent beaucoup plus que ce qu’ils n’ont reçu. »

De plus, Mustafa représente les réfugiés auprès d’une multitude de comités, dont certains ont régulièrement omis d’inclure les réfugiés dans les décisions liées à des programmes dont ceux-ci bénéficient. « Les discours bienveillants d’empathie et de soutien étouffent la voix des réfugiés », déclare-t-il. « Être réfugié est un statut juridique, pas une identité. Ce sont des êtres humains comme tout le monde. »

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