Femme debout devant la lune

Emtithal (Emi) Mahmoud, championne du monde de slam et ambassadrice de bonne volonté du HCR, sur le tournage de la vidéo de son poème Di Baladna, qui traite de l’impact dévastateur du changement climatique sur l’humanité, en particulier sur les réfugiés. © HCR/Andy Hall

  • Emtithal Mahmoud, championne du monde de slam, interprète et publie un nouveau poème lors de la COP26 pour souligner que la crise climatique est une crise humaine, en particulier pour les réfugiés et les personnes déplacées.
  • Ce poème émouvant est le fruit de discussions avec des réfugiés vivant en première ligne de la crise climatique au Bangladesh, au Cameroun et en Jordanie.
  • Publiée aujourd’hui, une version vidéo de son poème met visuellement en lumière sa composition.

Glasgow – Emtithal Mahmoud, championne du monde de slam, a publié ce 8 novembre 2021 un poème émouvant pour sensibiliser à l’impact dévastateur du changement climatique sur l’humanité, en particulier sur les personnes déplacées. La publication de ce poème coïncide avec sa participation à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26), au cours de laquelle elle représente les réfugiés du monde entier en tant qu’ambassadrice de bonne volonté du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et en tant qu’ancienne réfugiée.

Emtithal Mahmoud, surnommée Emi, a composé le poème Di Baladna [Notre terre en arabe], à la suite d’une série de discussions avec des réfugiés en première ligne de la crise climatique au Bangladesh, au Cameroun et en Jordanie. Les personnes avec lesquelles elle s’est entretenue représentent des millions de personnes déplacées et apatrides dans le monde qui vivent actuellement dans des régions particulièrement vulnérables aux changements climatiques. Ces dernières doivent s’adapter à un environnement de plus en plus inhospitalier, malgré des ressources limitées.

Le 8 et le 9 novembre 2021, Emi participera à la COP26. Elle prendra la parole dans plusieurs panels et prononcera le poème lors de plusieurs événements du Programme de la présidence. Elle appelle les États à agir de toute urgence pour inclure les communautés vulnérables qui ont le plus besoin de soutien dans tous les efforts possibles pour limiter les conséquences humanitaires dévastatrices de l’urgence climatique.

« Nous devons agir maintenant, rapidement, concrètement et de manière décisive, en totale collaboration avec les personnes sur le terrain, afin de soutenir et d’appuyer les efforts qu’elles déploient pour lutter contre le changement climatique. Quels que soient nos antécédents et nos situations existantes, nous avons tous le devoir de nous protéger mutuellement et de protéger les générations futures », souligne Emtithal Mahmoud.

Appelant le monde à l’action, Di Baladna débute du point de vue de la Terre Mère, décrivant les dommages subis par celle-ci et l’impact négatif sur l’humanité. Le poème passe ensuite à la première personne pour aborder spécifiquement les conséquences dévastatrices du changement climatique sur les réfugiés et les populations vulnérables. « À 11 ans, j’ai vu la maison de mon voisin s’effondrer sous mes yeux. Les eaux de l’inondation ont emporté la terre et l’argile. […] notre pays était déjà plongé dans la tourmente et voilà que la terre commençait à nous chasser aussi », relate Di Baladna.

Publiée ce 8 novembre 2021 par le HCR, une version vidéo de Di Baladna met en scène Emi, marchant dans le camp de réfugiés d’Azraq en Jordanie, une région de plus en plus touchée par le changement climatique, mais qui apprend aussi à s’adapter et à changer. Engagée auprès de ceux dont la vie a été affectée par le changement climatique et témoin de ses effets, Emi utilise cette vidéo et participe à la COP26 pour faire entendre la voix des 82 millions de personnes déracinées dans le monde. Elle souhaite utiliser son poème pour souligner le coût humain de la crise climatique, qui doit être abordé dès maintenant.

Le poème :

À propos du HCR

Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dirige l’action internationale visant à protéger les personnes contraintes de fuir leur foyer en raison des conflits et de la persécution. Il fournit une assistance vitale, y compris des abris, de la nourriture et de l’eau, il contribue à garantir les droits humains fondamentaux et il trouve des solutions assurant aux personnes un lieu sûr qu’elles peuvent considérer comme leur chez-soi et où elles peuvent se construire un avenir meilleur.

Di Baladna
Par Emtithal Mahmoud

Si tu lis ceci, je te pardonne.
Tu t’es éloigné de mon cœur, mon enfant,
tu as perdu l’amour que nous avions l’un pour l’autre
dans les premières années de ta vie.

Quand tu étais jeune, tu t’émerveillais
des plantes et des créatures que je portais
en mon sein,
tu adorais l’eau,
tu nageais dans mes rivières,
tu buvais ma pluie, tu riais à chaque première neige,
tu implorais le soleil lors des jours nuageux.

Tu n’hésitais pas à enfoncer tes doigts
dans ma boue et à chatouiller les petits cailloux,
les gouttelettes, les graines et les vers.
Tu as construit un refuge pour chaque vagabond égaré,
tapissant les étagères de la cuisine de bocaux
d’insectes et de papillons lumineux.

Tu as bu la brise de mes arbres,
le miel, la sève, la résine,
avec joie et facilité.
Tu venais à moi
reposant ta tête sur mon tendre foyer
ton corps fatigué dans mes poches –
tu m’aimais.

Tu m’as nourri avant de savoir
ce que c’était de prendre soin de l’autre,
tu m’as soigné avant de savoir
ce que c’était de soigner,
cultivateur, semeur, fermier,
petit homme à la main verte…
tu me connaissais.

Dernièrement, tu m’as fait mal,
tu brises et coupes
et m’as déchiré,
mais je te pardonne.

Car je suis une partie de toi,
comme tes frères et sœurs avant toi
et ceux qui sont proches de moi maintenant, alors je vous pardonne.
Je te pardonne encore pour tout ce que tu récoltes
sans avoir l’intention de semer
et encore, pour ton gaspillage, ton avidité et ta voracité.

Quand tu étais jeune
tu m’as demandé pourquoi ils faisaient ça,
autrefois frères et sœurs, souillant la terre
avec le sang de leur peuple
secouant les branches de votre arbre généalogique,
tu as perdu pied et espoir
d’un seul coup, tu t’es tourné vers moi
te reposant à l’ombre des dattiers et des magnolias,
tu m’as supplié de donner un sens à tout ça.

Tout ce que je pouvais t’offrir alors était une promesse
que partout où tu irais, tu me trouverais.
Mais maintenant, il ne me reste plus grand-chose à promettre.
Ils ont creusé des puits dans mes flancs,
ont volé les rubis, l’or et les diamants que
Maya a placé dans mes cuisses.

Je fais tout ce que je peux pour guérir mais mon corps fatigué
ne peut pas effacer la douleur si facilement.
Mes eaux jaillissent mais ne s’apaisent pas,
l’air dans mes poumons étouffe les petits.
Je tousse et je crache et je suinte et souffre,
et ça ne guérira pas —
quand l’un de mes enfants meurt dans mes bras.

Ici, dans les vallées oubliées depuis longtemps de ta jeunesse,
les visiteurs ne viennent pas de leur propre gré
mais par nécessité et je me retrouve
Abdulghani et Izdahara enfoncent leurs mains dans ma terre,
les jeunes arbres s’accrochent et je suis à nouveau entière
Hatem construit des monuments en hommage à mes cieux,
capture le soleil, canalise la foudre,
et je suis à nouveau entière

Luka et Layatu remplissent leurs maisons de mes fruits,
les enfants mangent, grandissent et sont en bonne santé,
et je suis à nouveau entière.
Osman proteste
Ce n’est pas à moi de tout réparer, dit-il.
J’ai besoin de toi

Pour construire et reconstruire, pour faire du neuf
pour faire naître la vie d’une terre inerte
faire une oasis à partir d’une terre brulée
créer un refuge à partir de blessures
là-où la foudre a frappé

Laisse-moi être autre chose pour toi que ta dernière demeure.
Laisse-moi faire plus pour toi que de te rappeler à moi.
Mon enfant, si tu lis ceci,
j’ai besoin de toi.

– Ta mère

Si cette terre pouvait parler, nous remercierait-elle, nous féliciterait-elle,
Se moquerait-elle de nous, ou nous supplierait-elle ?
Sa voix serait-elle lasse, douce, dédaigneuse ?
Serait-elle tremblante de chagrin, de rage ?
J’avais l’habitude de me poser ces questions tout le temps.

À 11 ans, j’ai vu la maison de mon voisin
s’effondrer sous mes yeux.
Les eaux de l’inondation ont emporté la terre et l’argile.
que la plupart des gens utilisaient pour construire leur maison.
Le voir se débattre dans sa maison comme ça,
le voir essayer de sauver le peu qu’il lui restait.
Notre pays était déjà plongé dans la tourmente
et voilà que la terre commençait à nous chasser aussi.

Si vous pouviez empêcher la prochaine tornade de frapper votre maison,
le prochain ouragan d’anéantir votre ville,
la prochaine sécheresse d’affamer votre peuple,
le prochain coup de foudre de mettre fin à votre vie,
ne le feriez-vous pas ?

Les criquets dans la Corne de l’Afrique,
les inondations au Soudan du Sud,
le gel à Chicago,
les incendies en Californie, en Australie.
La menace d’une pluie qui ne s’arrêtera pas
ou du repos, qui ne viendra pas.

Nous sommes au bord du gouffre ou d’un changement possible.
Un tournant qui peut et va nous définir.

Dans le feu ou la glace, comment le monde va-t-il finir ?
Je ne sais pas et je ne veux pas le découvrir.
pas au cours de notre génération, ni la suivan

Publie par le HCR, le 08 novembre 2021 

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